Précis Domat - Droit des biens - 6e - 51

LA RÉUNION DES UTILITÉS DE LA CHOSE : LA PROPRIÉTÉ
sa possession (sur laquelle, infra no 253 s.) plutôt que celle de son droit que le propriétaire
sollicitera93
.
À supposer néanmoins que l'action en revendication soit intentée, ce n'est
qu'une fois tranchée cette difficulté probatoire (A) que le juge sera en mesure de
garantir au propriétaire l'exercice exclusif de son droit, en ordonnant à l'usurpateur
de cesser tout usage de la chose et sa restitution au propriétaire. L'étendue et les
modalités de cette restitution sont problématiques : la jouissance passée de l'usurpateur
aura en effet fréquemment altéré la configuration du bien, ce qui amène à se
demander dans quelle mesure le propriétaire devra en souffrir (B).
A. LES CONDITIONS DE LA REVENDICATION :
LA PREUVE DU DROIT RÉEL
44 Division. - La question de la preuve du droit de propriété est d'abord celle des
modes de preuve. Les titres de propriété - sauf à ce qu'il s'agisse de titres légaux -
sont loin d'avoir le rôle clé qu'on pourrait avoir spontanément tendance à leur
reconnaître. Les éléments de fait, au premier rang desquels se trouve la possession,
occupent une place considérable dans le débat (1).
Dès lors qu'en pratique chaque partie produira des moyens de preuve au soutien
de sa prétention, il faut envisager la manière dont le juge résoudra leur contradiction
pour décider qui, du revendicateur ou du possesseur, devra être reconnu propriétaire
légitime du bien disputé : ce sont les conflits de preuves dont il doit être
ensuite question (2).
1. Les modes de preuve
a) Règles générales
45 Titres d'acquisition dérivée : notion. - Le propriétaire qui veut établir son
droit aura naturellement tendance à produire en justice un titre d'acquisition, de
nature onéreuse ou gratuite. C'est le contrat de vente, d'échange, de donation, ou
même un acte unilatéral comme le testament qu'il voudra pour preuve de sa qualité.
Ce titre acquisitif n'a nullement besoin d'être établi par écrit, même si la valeur du
bien disputé excède 1 500 euros. L'article 1359 du Code civil, qui exige la preuve
par écrit au-delà de cette valeur, ne s'applique que lorsqu'il s'agit d'établir l'existence
d'une obligation, autrement dit d'un lien personnel entre un créancier et un
débiteur. L'enjeu est ici tout autre : il s'agit simplement d'établir la réalité d'une
■ 93. Il arrive que la revendication puisse être exercée sans difficulté parce que l'auteur du trouble ne
conteste pas le droit du demandeur. Il en est ainsi lorsqu'un propriétaire assigne son voisin afin de l'obliger
à couper les racines, ronces et branches qui dépassent sur son terrain (C. civ., art. 673) ou à démolir la
construction empiétant chez lui (infra nº 404 s.), lorsque le constructeur avoue avoir outrepassé la ligne
séparative des fonds. L'absence de tout contentieux sur la preuve de la propriété amène une partie de la
doctrine à douter qu'il puisse encore s'agir de revendication, mais c'est là voir dans une simple condition
de l'action en revendication son essence même. Fondamentalement, l'action en revendication tend à faire
respecter l'exclusivisme attaché au droit de propriété : le fait que celui-ci ne soit pas contesté dans son
principe n'interdit pas la qualification.
Première partie : Les rapports de la personne aux choses
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