MINES LA REVUE DES INGÉNIEURS #520 - JUIN 2023 - 102

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Hommage à Raymond Gaffet (P34) - 1914-2022
Une carrière dans les Houillères du Nord-Pas-de-Calais
Par OLIVIER GAFFET (P92)
Raymond Gaffet (P34), jeune homme La promotion P34
GAFFET
Le 21 décembre 2022, alors qu'il était déjà
bien avancé dans sa 109e année, Raymond
Gaffet est décédé, chez lui, à Sceaux. Il était
probablement le doyen des Anciens de
l'École des Mines ; il était aussi mon grandpère.
Son
enfance ne fut pas heureuse. Orphelin de
père peu après sa naissance en 1914, il perdit
aussi sa mère alors qu'il avait 8 ans. Il eut
toute son enfance l'impression d'être " en
trop " , de ne pas avoir de foyer... ce qui ne
l'empêcha pas d'être un élève brillant, jusqu'à
être reçu aux Mines de Paris en 1934. Et en
même temps qu'il rejoignait l'École, il
emménagea à la Maison des Mines, récemment
ouverte, et y trouva une chambre rien
que pour lui et ce sentiment de foyer qui lui
avait tant manqué : " Grandes chambres,
douches communes à l'étage, bibliothèque et
salles communes au rez-de-chaussée, grande
salle de restaurant au sous-sol, accès interdit
aux filles bien sûr (tout comme l'accès à
l'École !). J'ai une chambre, j'ai " ma " chambre.
Quel bonheur ! " (extrait du Tome I de ses
Mémoires - voir plus loin).
Reçu 36e sur 36, il travailla dur, ne serait-ce
que parce qu'à l'époque, les places dans les
amphis étaient accordées dans l'ordre du
classement (les premiers au premier rang !)
- encore qu'à 36 dans la Promo, il n'y avait
sans doute pas vraiment de mauvaise place.
À sa sortie de l'École (major de sa Promo), un
poste l'attendait aux Houillères du bassin du
Nord-Pas-de-Calais. Mais le poste dut
attendre plus longtemps que prévu car, après
un service militaire dont les menaces de
conflit repoussaient sans cesse la fin, il fut
entraîné, comme tous à l'époque, dans le
tourbillon de la guerre. Entre-temps, en
garnison à Belfort, il avait rencontré celle qui
allait devenir sa femme en février 1940, et
" faire son bonheur " durant toute sa vie.
La Guerre donc... la drôle de guerre d'abord
suivie, en mai et juin 1940, d'une courte
période de combats, puis la défaite et la
captivité. Pour lui, ce fut dans un camp pour
officiers aux confins de l'Allemagne, dans ce
qui est aujourd'hui la Pologne. Mais
l'occupant allemand avait besoin de charbon,
et il fallait faire tourner les bassins du nord
de la France. Inscrit aux effectifs de la
Compagnie des Mines de Courrières depuis
juillet 1937, il fut donc libéré en septembre
1941 pour (enfin) rejoindre la région de Lens
et le poste d'ingénieur des mines qui l'y
attendait.
Il y resta pratiquement toute sa carrière. Une
carrière agrémentée de quelques aventures :
on pourra retenir qu'il se porta volontaire en
1957 pour un voyage d'évaluation de
l'exploitation du charbon au Japon, préalable
à une aide internationale au développement.
À l'époque, aller au Japon en avion, c'était
s'engager dans un périple avec pas moins de
huit escales, un incident mécanique (l'arrêt
en vol de 2 des 4 moteurs...) en rajoutant
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même une neuvième imprévue : cette
anecdote n'est qu'une illustration des
transformations incroyables dont il aura été
le témoin durant sa longue vie.
La fin de sa vie professionnelle fut marquée
par le déclin de l'exploitation du charbon et
par la volonté des Houillères de participer à
la transformation industrielle du Nord-Pasde-Calais.
Dès 1967, il participa donc
activement à cet effort de reconversion en
rejoignant la Direction des Activités
Industrielles, créée pour regrouper l'ensemble
des activités non liées au charbon, et plus
précisément le Département Transformation
des Matières Plastiques. Ce domaine n'étant
pas couvert par l'enseignement de l'École des
Mines dans les années trente, il suivit
plusieurs formations, puis arpenta la France
en long et en large, à la recherche de
procédés et de partenariats industriels
prometteurs pour développer cette activité. Il
finit sa carrière PDG d'une société nommée
SIDRAL, spécialisée en matière de " réservoirs
et chaudronnerie plastique " . Comme il l'écrit
dans le Tome III de ses Mémoires " Ce titre me
fait sourire. Quand j'étais simplement " Chef
de Siège " [aux Houillères], il y a vingt-cinq
ans, j'avais infiniment plus de responsabilités.
Bon ! Je souris et vais terminer ma vie
professionnelle en beauté terminologique. "
Il prit sa retraite en 1976 à Sceaux, il avait
alors eu 6 enfants, qui eux-mêmes avaient
commencé à avoir des enfants. Lui qui s'était
imaginé comme le dernier représentant d'une
famille appelée à disparaître, il était, avec ma
grand-mère, à l'origine d'une famille qui
compte 6 enfants, 20 petits-enfants,
44 arrière-petits-enfants... et même une
arrière-arrière-petite-fille (chiffre amené à
grandir dans les mois et les années à venir) !
La retraite fut active : nombreux voyages,
vies mondaine et culturelle riches, accueil des
petits-enfants pour des vacances à la
campagne ou à la montagne (que de bons
souvenirs !). À 90 ans, il eut envie de laisser
un témoignage de sa vie : malgré des
problèmes de vue qui ne feront qu'empirer, il
s'acheta un PC, se mit au traitement de texte
et se lança dans l'écriture de ses Mémoires,
une tâche qui l'occupa jusqu'au-delà de ses
100 ans. Quatre tomes publiés entre 2009 et
2018, qui nous permirent de mieux connaître
ce qu'il avait vécu (et sans lesquels ce texte
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