SIGMAG - N°36 - Mars 2023 - 44

DÉCOUVERTE
la calot te glaciaire sur la
croissance d'algues microscopiques,
responsables du noircissement de
la surface et de l'accélération de
la fonte. L'Université de Liège et
le Geological Survey of Denmark
and Greenland (GEUS) qui étudie
l'accumulation neigeuse annuelle le
long du cercle polaire arctique, les
missionnent de mesurer la densité
et la profondeur sur une dizaine
de fosses à neige. « Cet appor t
doit servir à valider les modèles
climatiques existants et à mieux
appréhender l'équilibre des masses
de glace au Groenland », explique
l'explorateur. Avant le grand départ,
Gilles et Nathan préparent tout
l'équipement nécessaire adapté
aux conditions extrêmes, soit près
de 100 kilos au total qu'ils devront
tracter ou supporter au quotidien.
Le frère de Nathan, nutritionniste,
les aide pour l'élaboration de repas
faits maison, pensés pour être
calorifiques et conditionnés dans
des sachets sous vide pour assurer
leur conservation durant cinq mois.
SEULS AU MONDE
Gilles et Nathan décollent le 4 avril
2022 en direction du Groenland
pour peaufiner leur épopée polaire.
Ils la démarrent officiellement le 15
avril de Kangerlussuaq sur la côte
ouest. Le duo marche entre huit et
dix heures par jour dans le grand
blanc par des vents soufflant parfois
à 100 km/h et des températures
qui descendent fréquemment
sous la barre des -35°C. La nuit, ils
dorment sous tente. Ils réchauffent
leur repas à l'aide d'un réchaud. Le
matin, ils s'en servent aussi pour
faire fondre l'équivalent de douze
litres de neige, correspondant
aux six litres d'eau nécessaires au
quotidien. « Cette première partie
était un réel challenge sur le plan
physique, mais aussi mental. Le
désert blanc à perte de vue invite à
une retraite forcée, à des heures de
méditation. Avec la glace et le givre,
nous avions la sensation de respirer
dans un scaphandre, entendant le
bruit de notre respiration sifflante »,
raconte Gilles Denis. Souvent,
le broui l lard es t de la par t ie,
complexifiant encore l'avancée des
deux sportifs. « Il nous empêchait
de voir à un mètre. Et si par malheur
nous regardions l'horizon, nous
chutions instantanément. Il nous a
fallu apprendre à regarder nos skis,
uniquement nos skis, pour ne plus
perdre l'équilibre ». Après trentesix
jours, ils atteignent Tasiilaq sur
la côte est. Les deux explorateurs
réalisent 450 km sur les 550 km
prévus initialement. Freinés par les
conditions météo compliquées et
les nombreuses tâches scientifiques
qu'ils se sont fixées, ils tombent à
court de vivres et doivent écourter
leur traversée.
Leur expédition se poursuit par
l'ouverture d'un « big wall » dans la
région des fjords du Cap Farewell, à
l'extrême sud de l'île. « Nous avons
Kayak, ski avec
traineau et escalade
ont rythmé
l'aventure.
Tempête dans le
grand froid. Vent à
100 km/h par -35°.
dû intervertir au dernier moment
les deux dernières parties, ralentis
par des démarches administratives
imprévues pour longer en kayak
de mer la côte est du Groenland
depuis Tasiilaq au Cap Farewell »,
explique Gilles Denis. Les deux
hommes se sont fixés un mois et
demi pour parvenir à leur but. Après
avoir établi un camp de base, ils
consacrent les premiers jours à
arpenter et escalader les massifs
du fjord de Tasermiut à la recherche
de l'endroit le plus adapté ; la
région comptant un grand nombre
de parois hautes de 1.000 mètres,
certaines jamais gravies. Ils jettent
leur dévolu sur une paroi verticale de
granite de 550 mètres, dénommée le
Nalumasortoq. Pour libérer et ouvrir
une voie d'escalade afin qu'elle
soit durablement accessible aux
grimpeurs, ils ont multiplié les séjours
à la verticale, dormant jusqu'à cinq
nuits consécutives suspendues à la
paroi. « Je n'oublierai jamais cette
expérience, la vue était à couper le
souffle », s'émerveille encore notre
interlocuteur. Après quoi, les deux
hommes rejoignent l'ouest du fjord
Tasermiut pour 350 km de kayak
entre les icebergs jusqu'au petit
village d'Arsuk. « Au pied de ces
énormes tours de glace, la nature
nous montre toute sa puissance,
mais aussi sa souffrance. C'est un
spectacle à la fois sensationnel et
alarmant qui montre que la fonte des
glaces accélérée provoquée par le
réchauffement climatique est bien
réelle ; bien trop réelle ! Toutes les
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SIGMAG - N°36 - Mars 2023

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