Expertises des Systèmes d'information - Mars 2021 - N°466 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - 89

qui correspond à un certain nombre
de mots par phrase et de syllabes par
mot. Si les conditions contractuelles de
Facebook, Google, Instagram, LinkedIn
ou Microsoft révèlent un niveau de
langage accessible à un lycéen, ce qui
est déjà soutenu, les autres telles que
celles de Youtube, Tinder, Apple, Tik Tok,
Zoom, Twitter ou Uber relèvent d'un
niveau universitaire. Et le site américain
n'évoque pas les éventuelles références
ou reports à d'autres clauses ou d'autres
conditions contractuelles de la société
pour appréhender pleinement les droits
et obligations, ni la question de la bonne
version des conditions contractuelles
qui s'appliquent à l'internaute. Il est
donc facile d'y perdre son latin, si tant
est qu'on ait essayé de se plonger dans
ces abysses contractuels.

Ce projet communautaire et open
source basé sur les contributions de
volontaires a été beaucoup moins actif
après quelques années de lancement
puis a été repris par d'autres contributeurs pour repartir sur de nouvelles
bases. La plateforme a proposé un
système d'annotation inspiré de celui
de l'énergie, allant de A pour les CGU
les plus vertueuses à E pour les moins
respectueuses des droits. Chaque
aspect d'une politique de confidentialité est évalué comme positif, négatif
ou neutre. Dans cette même logique,
rappelons la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon pour un cyberscore
en matière de cybersécurité, plus exactement « pour la mise en place d'une
certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand
public », qui a été adoptée à l'unanimité

au Sénat en octobre dernier. Pourquoi
ne pas appliquer un score aux CGU
pourtant si impactantes ?

Scripta Manent de l'Ambassadeur du
numérique est une solution destinée
à nous rendre ces conditions contractuelles plus accessibles. Ce site n'est
cependant pas né ex nihilo et bénéficie
du travail antérieur d'une communauté
et de la base de données contractuelles
de ToSDR, un outil en ligne d'aide à la
lecture de ces CGU.
Terms of Service; Didn't Read (ToSDR),
créé en 2012, est le fruit d'une coopération entre trois jeunes aux profils
parfaitement complémentaires - Hugo
Roy, juriste qui est à l'origine du
projet, Michiel de Jong, développeur
et Jan-Christoph Borchardt, designer
- qui ont voulu apporter de la clarté
aux internautes impuissants face à
cette obligation de souscrire à des
conditions illisibles. Le nom s'inspire
de l'acronyme sur internet TL;DR,
soit « Too Long ; Didn't Read » (Trop
Long ; Non Lu), souvent utilisé dans
les blogs et e-mails trop longs. Hugo
Roy, aujourd'hui avocat chez Baker
& McKenzie, était à l'époque à Berlin,
en année de césure, et il a pu ainsi
consacrer plusieurs mois à l'analyse et
au traitement des conditions de service
et des politiques de confidentialité des
principaux sites et services internet
pour proposer des informations et des
résumés.

Par ailleurs, un module complémentaire a été développé par ToSDR et qui
se glisse dans la barre d'adresse du
navigateur sous la forme d'un point
d'interrogation. Quand on surfe sur
un site internet disposant de conditions d'utilisations (saisie de compte,
formulaires etc.), il informe instantanément l'internaute sur les CGU et les
politiques de données des sites, avec les
notes attribuées.

VERSIONING DES CGU
La plateforme ToSDR a suscité l'intérêt
de l'Ambassadeur du numérique qui
s'en est inspiré pour Scripta Manent,
qui fait partie d'un projet plus large
baptisé Open Terms Archive. Celui-ci
repose sur un logiciel libre et collaboratif permettant de suivre les évolutions
des termes contractuels des principaux
fournisseurs de services en ligne. Pour
ce faire, il enregistre en temps réel
chaque publication d'une nouvelle
version d'un document contractuel,
il affiche spécifiquement les changements appliqués aux documents et il
dispose ainsi d'un corpus documentaire et de son historique.
Un contributeur de ToSDR a collaboré
au développement de Scripta Manent
qui a aussi bénéficié de la base

EXPERTISES Mars 2021

de données de la plateforme communautaire qui est en open data. Et la
Direction générale des entreprises
(DGE), à travers le pôle d'expertise de
la régulation du numérique (PEReN),
a contribué à l'outil en développant de
nouvelles fonctionnalités, comme le
suivi des images et des documents au
format PDF.
Scripta Manent est une application
qui permet d'explorer les documents
contractuels des principaux fournisseurs de services en ligne et de comparer leur évolution au fil du temps.
Le fonctionnement est simple : il
suffit de sélectionner un fournisseur
(par exemple, une des onze entités
d'Amazon sélectionnées) et deux dates
pour effectuer une comparaison entre
versions. En rouge apparaissent surlignées les éventuelles suppressions et
en vert les ajouts.
Scripta Manent vient de naître et son
existence constitue une avancée salutaire dans ce labyrinthe contractuel.
Néanmoins, l'outil reste perfectible.
D'abord, on peut regretter que les
documents contractuels soient tous
en anglais, même s'ils visent « la juridiction européenne » (sic). Par ailleurs,
l'outil est, par certains aspects, austère,
notamment quand on n'est pas geek,
et peut-être pas encore assez pédagogique. On aurait par ailleurs aimé que
les sources des informations apparaissent clairement.
Open Terms Archive est un logiciel
libre et collaboratif, ce qui signifie
que tout le monde peut être contributeur et peut ajouter des documents
contractuels et des services à suivre.
Justement un des futurs objectifs de
Scripta Manent est de se développer en
traduisant notamment les CGU dans
plusieurs langues.

Sylvie ROZENFELD

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