Hors Collection - Dictionnaire d'un droit humaniste - 220

214

DICTIONNAIRE D'UN DROIT HUMANISTE

Leurs ambitions sont diverses et contradictoires. Leur spiritualité comble
l'énorme vide spirituel de notre temps ; elles créent des liens affectifs entre
leurs membres et souvent prodiguent une charité envers les pauvres, les
petits et tous ceux que la vie a brisés, notamment par la drogue.
À l'inverse, souvent aussi, elles asservissent, dégradent et détruisent la
personnalité de leurs membres, avec une mentalité totalitaire, pour imposer
le culte de leurs chefs, que leurs adversaires appellent des « gourous », par
dérision. De même, certaines pratiquent un endoctrinement perpétuel,
imposant une pensée unique, brisant et dépouillant les familles, et détruisant
les États. Quelques-unes ont suscité des drames : suicides ou assassinats
collectifs, massacres des Adeptes du temple en Guyane en 1978, le massacre de
Waco en 1993 et de l'Ordre du temple solaire en décembre 1995, apocalypses
et chasses aux sectes que Jean Carbonnier a qualifiées d'« hystériques »3.
Le droit français refuse d'y voir ce qu'elles sont : des « religions minoritaires » ou des « nouvelles religions »4. La loi du 12 juin 2001, dite loi Vivien,
a entendu réprimer les sectes manipulatrices, exploitant la faiblesse d'une
personne « en état de sujétion psychologique ou physique » (C. pén., art. 223-2)
et a prévu la dissolution des sectes qui se livrent à cette activité. Au nom
des libertés publiques, l'État affirme pourtant sa neutralité ; néanmoins,
le Conseil d'État ne dissimule pas son hostilité5. A été institué en 2002
3. Jean carbonnier, Droit civil, t. I, Introduction, PUF, Thémis, 7e éd., 2002, n° 19 :
« Cette loi [du 12 juin 2001, tendant à renforcer la prévention des mouvements sectaires
portant atteinte aux droits de l'homme] ne reflète qu'imparfaitement à travers un brouillage
rhétorique, le degré d'hystérie auquel est montée la chasse aux sectes chez ses professionnels, se
disant agnostiques ».
4. Cass. crim., 10 juin 1999, Église de scientologie, D. 2000, 565 ; la cour de Lyon avait
jugé que « l'Église de scientologie peut revendiquer le titre de religion ». Sur pourvoi, la Cour
de cassation précise : « abstraction faite d'un motif inopérant mais surabondant, dépourvu en
l'espèce de toute portée juridique relatif à la qualité de religion prêtée à l'église de scientologie ».
5. CE, 17 février 1992, Église de scientologie de France, D. 1992, I. R. 100 : « Eu égard aux
risques que peuvent présenter notamment pour les jeunes, les pratiques de certains organismes
communément appelés "sectes", et alors même que certains de ces mouvements prétendent poursuivre également un but religieux, le ministre des Affaires sociales peut légalement, sans porter
atteinte à la neutralité de l'État, ou à la liberté des cultes, participer financièrement à l'information du public concerné sur les pratiques dont il s'agit ; la décision du ministre d'accorder
une subvention pour assurer la publication d'une brochure d'information éditée par le Centre
de documentation, d'éducation et d'action contre les manipulations mentales [le centre Roger
Ikor], eu égard au contenu de cet opuscule n'est entachée ni d'erreur matérielle, ni d'erreur de
droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ».

Hors Collection - Dictionnaire d'un droit humaniste

Table des matières de la publication Hors Collection - Dictionnaire d'un droit humaniste