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En l'espèce, Rodolfo souhaite agir contre l'État pour obtenir réparation de ses préjudices.
En premier lieu, vous lui conseillerez de mettre en œuvre un régime de responsabilité sans
faute, afin d'être indemnisé plus facilement, en soutenant et en établissant qu'il était tiers
à la manifestation, que l'arme utilisée était dangereuse et qu'il a subi un préjudice d'une
certaine gravité. Il y aura alors lieu d'établir qu'il était tiers à la manifestation, c'est- à-dire
un « passant », une victime d'une balle perdue. En l'espèce, cela pourrait être difficile dans
la mesure où, quelle que soit sa raison personnelle, Rodolfo participait à la manifestation
même si ce n'était pas pour manifester à proprement parler.
En deuxième lieu, s'il n'est pas possible d'établir la qualité de tiers de Rodolfo, il pourra
être envisagé le terrain de la responsabilité pour faute simple. Dans ce cas, il y aura lieu
d'établir une faute de l'agent de police (le fait de tirer en l'absence de danger ou d'ordre de
dispersion, à titre d'illustration) et il pourrait être demandé au juge d'ordonner une mesure
d'instruction pour déterminer si ledit agent était correctement formé à l'usage du lanceur
de balles de défense de type « LBD 40 x 46 mm » (voir, en ce sens, CAA Nantes, 5 juill. 2018,
Ministre de l'Intérieur c/ M. D., no
17NT00411, fiché en C+).
S'il est possible d'établir que Rodolfo ne « manifestait » pas, malgré sa présence, et qu'il
est pour cela tiers à l'opération, il y aura alors lieu d'établir le caractère d'arme à risque
exceptionnel du LBD. Cette qualification a récemment été retenue pour les armes dites LBD
par la CAA de Nantes dans un arrêt de 2018 LBD dans lequel elle a jugé que : « (...) l'utilisation
dans les conditions précédemment décrites du lanceur « LBD 40 x 46 », arme dangereuse
comportant des risques exceptionnels pour les personnes, sur un manifestant très jeune
qui n'était pas l'auteur des jets de projectiles et qui se trouvait à une distance réduite,
constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État (...) ».
Enfin, la spécialité et la gravité des préjudices subis par Rodolfo devraient être aisément
établies dès lors, d'une part, qu'il était le seul touché par le tir de LBD alors que rien ne
laissait présager que la police allait tirer et, d'autre part, qu'il a subi un préjudice particulièrement
grave en perdant l'usage d'un œil.
Il résulte de ce qui précède que Rodolfo a une probabilité élevée d'obtenir l'engagement
de la responsabilité de l'État devant le juge administratif pour obtenir réparation de ses
préjudices soit sur le fondement d'une responsabilité sans faute pour risques exceptionnels
s'il établit sa qualité de tiers à la manifestation, soit sur le fondement d'une responsabilité
pour faute s'il établit un usage fautif du LBD par les forces de police.
Vous aviserez également Rodolfo que l'État a la possibilité d'invoquer une cause exonératoire
de responsabilité tirée de la faute de la victime qui pourrait être retenue par le juge
administratif en se fondant sur les faits de violence récurrents lors des manifestations des
gilets jaunes et, par voie de conséquence, de l'imprudence de l'intéressé d'y avoir participer
pour « observer ».
En troisième lieu, vous pourrez lui conseiller de tenter d'engager la responsabilité de l'État
sur le fondement de la responsabilité du fait des attroupements et rassemblements. En
application de l'article L. 211-10 du Code de sécurité intérieure (CSI), l'État est civilement
responsable des dommages résultant des attroupements lorsque quatre conditions sont
réunies, à savoir s'il y a présence d'un attroupement ou d'un rassemblement, si un crime
ou un délit au sens pénal est commis, s'il est fait usage de violence ou de force ouverte et
s'il y a un préjudice à la fois direct et certain.
Dans des affaires récentes relatives à des faits similaires, le juge administratif s'est fondé
sur ce régime. Ainsi, le TA de Lyon a engagé la responsabilité de l'État pour ordonner la
réparation des préjudices subis par une personne ayant fait l'objet d'un tir de LBD en se
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