Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 445

LE RÔLE DU DISCERNEMENT DU MIS EN CAUSE

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l'égard de l'irresponsable267. Elles sont néanmoins de même nature que celles que
peut prononcer la juridiction de jugement268. Il sera donc question de la procédure
devant la juridiction correctionnelle, les solutions dégagées ici valant pour le procès d'assises. Nous envisagerons la preuve de l'abolition du discernement (A),
puis la nature des mesures de sûreté pouvant être prononcées (B).
A. LA PREUVE DE L'ABOLITION DU DISCERNEMENT
1331. L'influence de l'aliénisme médical sur la définition de « l'état de
démence », devenu « abolition du discernement », a conforté l'idée que ce cas
d'irresponsabilité pénale dépendait directement des conclusions d'un examen
psychiatrique. De ce point de vue, il apparaît nécessaire d'adapter le système procédural à l'indispensable intervention de cet expert.
1332. Dans cette perspective certains auteurs, au nombre desquels des psychiatres comme des juristes spécialisés dans l'étude du droit pénal, ont fustigé la
toute-puissance du juge en matière d'expertise mentale269. Au nom d'un droit à
être jugé - qui, étonnamment, n'est pas accompagné du corollaire droit pour le
délinquant à ne pas être jugé - une partie de la doctrine a vertement critiqué
« l'impossible vérité du droit pénal »270, et les partisans du positivisme pénal ont
fait feu du même bois pour appeler à une évolution de la définition légale de
l'expert271. Elle fait écho à l'opinion de psychiatres qui souscrivent à la supposée
fonction cathartique du procès pénal : le malade mental aurait besoin de participer à une audience afin que le processus de guérison s'enclenche.
1333. L'ensemble de ces remarques dérivent d'une conception médicale de la
notion d'état de démence. Cette appréciation est à la source d'une confusion des
causes médicales (les troubles psychiques ou neuropsychiques) de l'abolition du
discernement avec le critère juridique justifiant l'irresponsabilité pénale (l'abolition du discernement stricto sensu). Elle corrompt du même coup la compréhension du jugement des malades mentaux. Le procès pénal a pour but de punir
l'auteur d'une infraction, quelle que soit la nature de ses troubles individuels, en
lui appliquant une souffrance rédemptrice. La peine ne poursuit aucune finalité
médicale et permet l'accomplissement du droit des citoyens à la sécurité. Le
malade mental, tant qu'il est conscient de l'existence de la loi pénale, est un patient
de la peine comme un autre.
1334. Ainsi d'une part, l'expertise psychiatrique porte sur la conscience individuelle du prévenu (1), et le juge reste maître, d'autre part, de l'opportunité d'une
telle expertise (2).
267. Art. 706-125, 4° du Code de procédure pénale.
268. Art. 706-131, al. 2 du Code de procédure pénale pour la Cour d'assises ; art. 706-133, al. 1,
4° pour le tribunal correctionnel.
269. J.-P. BOUCHARD, « L'expertise psychiatrique et l'expertise psychologique, l'indispensable
réforme », Colloque relatif à « la preuve pénale », Paris, Sorbonne, 2006, in Revue de la gendarmerie
nationale n°221, décembre 2006, p. 117 et s.
270. P. PONCELA, « Le droit pénal en folie ou l'impossible vérité », RSC 1986, p. 61 et s.,
spéc. p. 66 où l'auteur propose la suppression des ordonnances de non-lieu.
271. M. ANCEL, « Réflexions sur le rôle de l'expertise dans l'évolution de la procédure pénale
moderne », Rev. Pénale Suisse, 1981, p. 133. L'auteur considère toutefois que l'apport scientifique de
l'expert renforce le rôle du juge, seul garant des libertés, cf. M. ANCEL, Le procès pénal et l'examen
scientifique des délinquants, op. cit., spéc. p. 25 et s. ; dans le même sens J.-B. HERZOG, RIDC 1953,
vol. 5, n° 2, p. 425 et s.
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