Manuel - Responsabilité administrative - 2e - 324

RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE

407. La présomption de causalité établie par le juge entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques. - Le lien de
cause à effet entre l'inoculation du vaccin contre l'hépatite B et le développement de la sclérose en plaques n'a jamais été scientifiquement établi. Les victimes de l'hépatite B ne se voient pas appliquer la présomption
légale instaurée par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 pour l'hépatite
C. En revanche, elles bénéficient d'une présomption créée par voie jurisprudentielle. Dans quatre arrêts rendus le 9 mars 2007, le Conseil d'État32
présume en effet ce lien de causalité, mais il vérifie de manière rigoureuse que l'apparition de cette maladie suit de très peu (moins de trois
mois) l'inoculation du vaccin et que le malade ne présentait pas l'affection avant la vaccination33. Comme dans les autres hypothèses, la victime
doit donc réunir un faisceau d'indices pour que la présomption puisse
jouer. La spécificité de cette hypothèse tient cependant aux données
scientifiques. Il est scientifiquement établi que l'hépatite C peut être
transmise par du sang vicié et qu'une transfusion peut donc contaminer
un patient - comme une transfusion peut transmettre le virus du sida. La
présomption présente l'intérêt de dispenser la victime, dans chaque cas
d'espèce, de la preuve du lien de cause à effet alors même que la contamination peut avoir été causée par d'autres sources. En revanche, pour
l'hépatite B, il n'est pas établi scientifiquement qu'une vaccination contre
cette maladie provoque le développement d'une sclérose en plaques. En
dans le cadre de son activité professionnelle la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son
arrêt sur ce point, n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en admettant le caractère direct du lien
de causalité entre la faute commise par l'État et le décès de M. B. ».
32. CE, 9 mars 2007 (4 esp.), nº 267635, Mme S., Lebon, p. 118, concl. OLSON ; AJDA 2007, p. 861 ; nº 278665,
Commune de Grenoble ; nº 283067, Mme P. ; nº 285288, Mme T.
33. Dans l'arrêt Mme Schwartz, le Conseil d'État considère que : « dès lors que les rapports d'expertise, s'ils
ne l'ont pas affirmé, n'ont pas exclu l'existence d'un tel lien de causalité, l'imputabilité au service de la
sclérose en plaques dont souffre Mme A doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée
comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de mars 1991 de l'apparition du
premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie,
antérieurement à sa vaccination » (CE, 9 mars 2007, nº 267635, Mme Schwartz, Lebon, p. 118 ; AJDA 2007,
p. 861, concl. OLSON ; JCP A 2007. 2277, comm. CARPI-PETIT ; JCP A 2007.33, note JEAN-PIERRE ; Gaz. Pal., 7 juin
2007, nº 158, p. 47, note HOCQUET-BERG ; RFDA 2008, p. 549, note DEFOORT). La jurisprudence de 2007 a été
étendue à d'autres maladies que la sclérose en plaques (v. pour la polyarthrite rhumatoïde, CAA Lyon,
8 oct. 2009, nº 07LY01552, Reverdy). Pour une autre affection encore, le Conseil d'État a considéré que le
lien de causalité pouvait être établi dès lors que, selon les connaissances scientifiques disponibles, sa probabilité n'est pas « très faible » (CE, 21 nov. 2012, nº 344561 et nº 344562, Ville de Paris et Landry,
Dr. adm. févr. 2013, comm. 16).
Pour la sclérose en plaques, la Cour de cassation a suivi le raisonnement du Conseil d'État en faisant quant
à elle référence à des « présomptions graves, précises et concordantes » (au sens de l'article 1353 (ancien)
du Code civil, Cass. 1re civ., 22 mai 2008, nº 06-10967, Gacem, Mme Signerin, Mme Kister, Fageolle, Bull. civ. I,
nº 149). Elle a en outre posé une question préjudicielle à la CJUE pour la faire statuer sur la compatibilité
entre les présomptions ainsi mises en œuvre et l'article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des
États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (Cass. 1re civ., 12 nov. 2015,
nº 14-18118).
À l'inverse, de manière plus récente, le juge pénal a conclu à l'absence de causalité certaine. Par conséquent, une ordonnance de non-lieu a été rendue par les juges du Pôle santé de Paris le 9 mars 2016, les mis
en cause étant poursuivis pour une « faute d'imprudence ou de négligence ». « Non-lieu dans l'enquête sur
le vaccin contre l'hépatite B », Le Monde.fr, 14 mars 2016.

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