Contextes - L’histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle) - 284

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L'ÂGe DeS INDeX
À bien des égards, la lecture du juriste ressemblait à celle du clerc penché
sur les Saintes Écritures. Certes, les énoncés juridiques ne sont pas de nature
religieuse mais les modes de compréhension des textes, comme ce fut le
cas dans la Scolastique, sont consanguins. À une époque où la diversité
des sources du droit, et leur complexité intrinsèque, rendaient impossible
toute forme de légalisme, l'index présentait une première forme d'ordonnancement,
certes archaïque, mais rassemblée autour de quelques principes
transversaux, d'axiomes qui possédaient une certaine généralité. Il faut
tenir compte ici de l'hétérogénéité de ces sources : l'indexation des juristes
romanistes ne répondait pas aux mêmes contraintes que celle des canonistes
ou des auteurs coutumiers. Mais la constitution de ces différents droits en
corps autonomes impliquait précisément qu'ils fassent l'objet d'une forme
de systématisation, même au niveau sommaire d'une table d'index.
L'indexation répondait ainsi à une logique qui superposait le lieu
remarquable à la totalité des lieux. Cette spécificité explique sans doute la
possibilité d'indexer sous des intitulés qui sont eux- mêmes des maximes31
.
Il s'agissait moins, précisément, d'« indexer » que de faire ressortir le grand
principe, le trait saillant d'une analyse32
. ouvrant la table du deuxième
volume des Œuvres de Guy Coquille, dans l'édition de 1666, le lecteur
peut facilement trouver l'indication du siège principal d'une matière. Mais
il trouve aussi quelques grands principes du droit français : ainsi à la lettre
e, « l'Église ne peut acquérir & augmenter son domaine, sans la permission
du Roy », ou encore « enfant procréé de père noble en mariage, est noble,
quoique la mère soit roturière ». L'énoncé est parfois encore plus développé
et se distingue à peine du cas concret. on trouve dans ce même index une
règle ainsi résumée : « Frère ayant les biens communs avec sa sœur, & avant
le partage promet à sa sœur somme de deniers en dot, moyennant qu'elle
renonce à tous les droits qu'elle a en commun, au profit de son dit frère, si
sont dus au Seigneur direct censier ou bordelier, quelques droits ». enfin, la
règle formulée peut prendre une tournure générale, comme dans l'énoncé :
« Institution d'Héritier n'a point de lieu ». La constitution de l'index rejoint
31. Les maximes sont des axiomes. Pierre Pithou est l'auteur d'Axiomata ex libris juris
civilis qui furent édités dans les Divers opuscules, édit. cit., p. 294-298. La Roche Flavin
écrit, dans ses Treize Livres des Parlemens de France, livre III, n° CIV (édit. Bordeaux,
S. Millanges, 1617, p. 306-307) : « Ainsi après qu'es barreaux des Audiences des Parlements,
les Avocats ont éclairci, & dégrossi les thèses ambiguës, nœuds & difficultés des procès,
& icelles converties en chile, les Juges les tournent en pur sang ; c'est- à-dire en arrêt, où il
n'y a rien qui ne porte, dont la partie la plus nutritive, qui doit être entendue l'axiome, qui
résulte de l'arrêt, s'épanche sur tout le barreau ; du barreau va aux sièges principaux ; des
sièges principaux aux subalternes : & des subalternes aux moindres. Dont par ce moyen
toux ceux, qui font profession de la justice, sont nourris à bien conseiller & juger. »
32. Jean- Marc Chatelain, « Humanisme et culture de la note », art. cit., p. 31.

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