Manuel - Droit international pénal - 2e - 100

DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
probablement pas soutenir réellement le processus ou se l'appliquer à euxmêmes.
Dans le calcul coûts / avantages propre à l'orientation de toute politique
juridique extérieure, quelques gouvernements ont probablement vu
dans la ratification du Statut de Rome l'opportunité de gains intéressants en
matière de réputation et l'occasion de donner des gages à leur opinion
publique en soutenant de façade une institution centrale de l'ordre « libéral ».
La conditionnalité de certaines aides économiques - en particulier européennes
- àl'acceptation du Statut a également joué un rôle. Il a pu aussi y avoir
desréflexesd'opportunisme de la part de certains qui ont vu dans l'évolution
du droit international pénal un outil leur permettant de marginaliser leurs
opposants. Ils avaient parfaitement compris que ce régime dépendrait de la
coopération des États intéressés et qu'ils pourraient l'orienter sinon le manipuler
utilement. On le voit, il n'est pas exclu que l'entrée en vigueur du
régime doive beaucoup à des engagements en réalité fragiles compte tenu
des prétentions de la Cour pénale internationale.
C. Économie de la juridiction créée
75. La table des matières du Statut témoigne de l'immensité des
domaines couverts par les négociations. Tous les aspects du droit international
pénal sont ici réunis, du principal à l'accessoire. Le texte détermine
d'abord la compétence matérielle, temporelle, géographique et personnelle
de la juridiction, ainsi que ses relations avec les systèmes répressifs
nationaux (chapitre I, chapitre II, art. 10 à 21). Il présente ensuite les principes
de droit pénal général (chapitre III), puis les incriminations (chapitre
II, art. 6 à 8), assorties de peines (chapitre VII). Un véritable code d'organisation
judiciaire et de procédure pénale est présenté dans les
chapitres suivants (chapitres IV, V, VI et VIII). Enfin, des questions d'entraide
répressive et de coopération judiciaire et pénitentiaire sont abordées
(chapitre IX et X). Si le Statut est l'instrument de référence, il est
complété par toute une série de textes, secondaires mais essentiels, à
l'image des Éléments des crimes et du Règlement de procédure et de
preuve. Ils forment en quelque sorte le « régime de Rome »22
. Le Statut
de Rome institue finalement une organisation internationale indépendante
des Nations Unies et l'Assemblée des États parties (AEP) en est l'organe
plénier23
sur le terrain et d'un bureau de liaison à New York24
. La CPI siège à La Haye mais dispose aussi de six bureaux
.
22. Précisément, il s'agit des sept documents qui constituent le fondement du cadre juridique de la Cour :
le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le Règlement de procédure et de preuve, les Éléments
des crimes, le Règlement de la Cour, le Règlement du Greffe, le Règlement du Bureau du procureur et le
Code de conduite professionnelle des conseils. Ils peuvent tous être modifiés conformément à une procédure
d'amendement qui leur est propre.
23. Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l'Organisation des Nations
Unies, ICC-ASP/3/Res.1 (EV au 4 oct. 2004).
24. Elle accueille chaque année les représentants des membres de l'organisation ainsi que des observateurs.
L'AEP a pour mission de donner des orientations générales pour l'administration de la Cour, de
procéder à l'élection des juges et du procureur et d'approuver le budget de la CPI. Les États parties en
profitent pour envoyer différents signaux à la Cour, v. infra nº 113.
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