Manuel - Droit international pénal - 2e - 123

Une juridiction pénale internationale permanente
utilisées (preuve satellitaire, enquête cyber, etc.) afin de limiter, lorsque c'est
possible, le recours à des intermédiaires sur le terrain qui n'ont pas toujours
le même « agenda » que le Bureauduprocureur107
. Celui-cidoit quoiqu'il en
soit faire des choix entre les multiples scènes de crimes et types d'exactions.
Il n'est pas possible d'enquêter sur tout et de poursuivre l'ensemble des responsables
des crimes commis dans une situation donnée. Le Bureau construit
un narratif global et se concentre sur certains « incidents ». Le pragmatisme
domine. Seront privilégiés les crimes pour lesquels le procureur pensera pouvoir
obtenir des résultats et voir ses prétentions prospérer.
Un desgrandsparis de l'accusation renvoie alors à l'identité des personnes
poursuivies et au moment où les mandats d'arrêt seront délivrés. En effet, les
choix qui seront faits peuvent engendrer des réactions brutales sur le terrain,
braquer une communauté, compromettre la coopération des autorités, frustrer
les victimes. S'il existe des « motifs raisonnables de croire » qu'une personne
a commis un crime relevant de la compétence de la Cour, le procureur
demande aux juges de la CPI de délivrer un mandat d'arrêt ou une citation à
comparaître (si les suspects sont prêts à comparaître volontairement)108
.Une
chambre préliminaire contrôle ici la régularité de sa demande. Une fois le
mandat d'arrêt délivré, et à moins qu'il le soit sous scellé, le greffier transmet
àl'État concerné et à d'autres États les demandes de coopération aux fins de
l'arrestation et de la remise d'un suspect. Si celui-ci parvient à la Cour, une
audience de comparution initiale est organisée puis une audience de confirmation
des charges109
. Ce moment clef, qui ne se veut pas un mini-procès
mais qui y ressemble, est un compromis entre procédure accusatoire et procédure
inquisitoire. Il s'agit d'apprécier la solidité de l'affaire du procureur, de
justifier la tenue d'un procès. Un tel filtre est d'autant plus important que
l'exécution du mandat d'arrêt peut intervenir plusieurs années après les
faits. L'affaire longtemps « dormante » ne repose alors plus nécessairement
sur des bases aussi solides une fois le suspect transféré à la Cour. Il convient
en tout cas de le vérifier et de tester plus largement les éléments de preuves
au soutien de la thèse de l'accusation. Après avoir entendu le procureur, la
défense et les représentants légaux des victimes, les juges déterminent s'il
existe des preuves suffisantes donnant des «motifs substantiels de croire »
que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont reprochés. Les
charges peuvent ne pas être confirmées ou seulement partiellement confirmées.
Pour reprendre ici l'opinion de la juge Christine Van den Wyngaert,
«s'il est clair que, même en accordant aux éléments de preuve disponibles
une valeur maximale, on doute encore sérieusement qu'ils suffiront à fonder
une déclaration de culpabilité, il ne sert à rien de confirmer les charges »110
Mais, dans le silence ou les ambiguïtés du Statut, deux visions se retrouvent
.
107. Un Code des intermédiaires a étéadoptéenmars 2014afin d'éviter les abus observés dans les premières
affaires de la CPI.
108. Art. 58, Statut de Rome.
109. Art. 60 « Procédure initiale devant la Cour » et art. 61 « Confirmation des charges avant le procès »,
Statut de Rome.
110. CPI, Gbagbo, décision relative à la confirmation des charges, 12juin 2014, opinion dissidente de la
juge C. Van den Wyngaert, 18juill. 2014, § 4.
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