Manuel - Droit international pénal - 2e - 121

Une juridiction pénale internationale permanente
96. Le Statut n'impose aucun délai au procureur pour prendre une
décision relative à un examen préliminaire. Le Bureau peut décider, en
fonction des faits et des circonstances propres à chaque situation, de
continuer indéfiniment à recueillir des informations afin de rendre une
décision dûment motivée en fait et en droit. La maîtrise du temps apparaît
alors comme un levier fort pour faire pression sur les gouvernements.
Et le génie du procureur a été ici de médiatiser cette phase, de communiquer
régulièrement sur l'état des examens préliminaires et donc sur la
coopération des États concernés. Le rapport annuel du procureur est en
ce sens l'un des documents les plus attendus par les observateurs - même
si le dernier titulaire du poste semble ne pas vouloir poursuivre une telle
communication publique. Il est utilisé pour faire pression sur les parties
en cause et les inciter à initier des procédures nationales. Cette pratique
se rapproche de certaines procédures en vigueur devant différents organes
de traités protecteurs des droits de l'homme. Le Bureau a d'ailleurs
mis en place une procédure de filtrage comprenant quatre phases afin
de se donner des éléments de mesure supplémentaires et de nouvelles
capacités d'attirer l'attention des États102
.
97. Si une enquête est ouverte, cela ne signifie pas nécessairement
qu'il y aura immédiatement des affaires - des poursuites visant des particuliers.
Encore faut-il collecter les éléments permettant d'établir qui a
commis les crimes en cause, et dans quelles conditions. En principe,
dans la mesure où une enquête a été ouverte, il n'est pas extraordinaire
d'en attendre des suites et, en l'espèce, l'ouverture de différentes affaires,
à moins qu'il n'y ait pas de « motifs raisonnables de croire » qu'une personne
a ici commis un crime ; que l'affaire est irrecevable au regard de
du procureur mais pas le contrôle opéré par la Chambre à cette étape de la procédure. Celle-ci doit alors
simplement s'assurer, après examen de la demande et des éléments justificatifs qui l'accompagnent, qu'il
existe unebaseraisonnablepour ouvrir une enquêteet que l'affaire semble relever dela compétence dela
Cour - et seules des informations factuelles et assez générales sont attendues. La demande ne saurait être
appréciée au regard de la gravité des crimes ou de la complémentarité de la Cour - deux piliers de la
« recevabilité ». On peut trouver cette interprétation quelque peu audacieuse, sinon contraire à l'esprit du
Statut de Rome, mais il ne s'agit pas pour autant d'un « chèque en blanc » auprofit du Bureauduprocureur
car les articles 18 et 19 du Statut permettent aux États concernés de contester l'appréciation faite par l'accusation
- à des stades ultérieurs de la procédure. Depuis cette « clarification », plusieurs États opposés à
l'ouvertureproprio motu d'une enquête les concernant - àl'image de l'Afghanistan ou des Philippines - ont
fait jouer l'article 18-2 du Statut après avoir reçu la notification du procureur. Dans une telle situation, le
Bureau doit suspendreson enquêteletemps d'examiner toutes les informations utiles qui seraient transmises
par l'État concerné et qui indiquerait sa volonté d'assumer lui-même l'enquête. Si le procureur n'entend
finalement pas faire droit à la demande, il doit alors obtenir d'une Chambre préliminaire l'autorisation
de reprendre son enquête. L'ensemble de cette procédure peut prendre plusieurs mois et priver le procureur
de la « golden hour » au cours de laquelle il peut espérer transformer son examen préliminaire en
enquête active et prometteuse.
102. Précisément, la phase 1 correspond à une première évaluation de toutes les informations recueillies
au titre de l'article 15 à propos des crimes allégués (les « communications »). Les situations qui échappent
manifestement à la compétence de la Cour sont ici écartées. La phase 2 vise à déterminer si les conditions
préalables à l'exercice de la compétence de la Cour prévues à l'article 12 sont remplies et s'il existe une
base raisonnable pour croire que les crimes en cause relèvent de la compétence ratione materiae de la
Cour. La phase 3 est axée sur une analyse de la recevabilité d'éventuelles affaires quant à la complémentarité
et la gravité. Enfin, la phase 4 est consacrée à l'examen de la question des « intérêts de la justice »
dans l'optique de formuler une recommandation finale.
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