Manuel - Droit international pénal - 2e - 232

DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
La Cour a indiqué qu'un individu est susceptible d'être qualifié de chef
militaire même s'il « n'exerce pas exclusivement des fonctions
militaires »60
. Une telle précision peut sonner comme « un avertissement
contre des chefs d'État dont les armées sont engagées sur des opérations
militaires aussi bien à l'intérieur qu'àl'extérieur de leurs pays
respectifs »61
. Quoi qu'il en soit, les soldats impliqués doivent bien avoir
été au moment des faits placés sous le commandement du chef militaire.
Peu importe qu'il s'agisse d'une armée régulière ou de forces irrégulières
dès lors qu'on a affaire à un groupe armé susceptible d'agir dans un
contexte de conflit armé ou d'exactions massives. L'élément déterminant
est en l'occurrence de savoir si le supérieur exerçait ou non un contrôle
sur les actes de ses subordonnés. L'appréciation du contrôle se fait in
concreto, selon les circonstances de l'espèce et au regard d'une capacité
matérielle de prévenir les manquements en cause ou de les sanctionner :
« tout degré de contrôle moindre, tel que la capacité d'exercer une
influence - même appréciable - sur les forces qui ont commis les crimes,
serait insuffisant pour établir la responsabilité du supérieur
hiérarchique »62
.S'agissant des autres supérieurs hiérarchiques, cette catégorie
comprend notamment les membres d'un gouvernement, les dirigeants
de ministères, les exécutifs locaux, les cadres de partis politiques,
les chefs de police, les dirigeants d'entreprise. On le voit, il n'est pas
nécessaire que l'institution soit publique - certaines formations de jugement
ont retenu des acceptions particulièrement larges63
- dès lors que
l'on se trouve dans une institution civile hiérarchisée. Il est en effet ici
aussi exigé que les subordonnés qui seraient impliqués dans un crime
aient bien été sous le contrôle effectif d'un supérieur. Et il est en plus
demandé que les crimes en cause soient « liés à des activités relevant de
sa responsabilité et de son contrôle effectifs ». On distingue en somme
entre le contrôle permanent du chef militaire sur ses troupes et le
contrôle fonctionnel du supérieur civil sur ses subordonnés. Ce dernier
ne saurait a priori être garant du comportement de ses agents en dehors
des heures de travail ou pour des actes qui ne correspondent normalement
pas à ses activités.
187. Le troisième élément demandé tient à l'existence d'un manquement
à l'obligation qui pèse sur les chefs militaires et les autres supérieurs
hiérarchiques de prendre les « mesures nécessaires et raisonnables
» en leur pouvoir afin « d'empêcher la commission de crimes qui
relèvent de la compétence de la Cour, de les réprimer ou d'en référer
aux autorités compétentes » (art. 28-a-ii et 28-b-ii). Par « mesures nécessaires
et raisonnables », il avait déjà été évoqué devant le TPIY qu'il
60. CPI, Bemba, décision relative à la confirmation des charges, préc., § 408.
61. G.MABANGA, « Affaire Bemba : la CPI fixe les critères d'appréciation de la responsabilité pénale du chef
militaire et du supérieur hiérarchique », La Revue des droits de l'homme, 2016, Actualités Droits-Libertés
[http://journals.openedition.org/], § 20.
62. CPI, Bemba, jugement, préc., § 185 ou TPIY, Camp de Čelebići,arrêt,préc.,§ 266.
63. V. par exemple TPIR, Musema, jugement, préc., § 868 et s.
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