Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 122

122 NOUVELLES RECHERCHES SUR LA CONDITION JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
A. LE PRINCIPE D'UNE APPRÉCIATION SOUVERAINE
185. La liquidation des établissements publics est possible154. Seulement, à l'inverse
des sociétés de droit commercial, son déclenchement ne dépend pas de causes
fixées à l'avance, mais d'une décision de l'autorité politique. L'apurement du passif
des établissements publics est soumis à une appréciation de l'autorité politique. Elle
s'est en effet toujours réservé le droit d'intervenir dans le règlement des dettes des
établissements publics (1) et de décider de la nécessité de les secourir par l'emploi
de deniers publics (2).
1. L'intervention de l'autoritépolitique dans la procédure d'apurement du passif
186. L'autorité politique se réserve seule le droit de décider de l'exécution d'une
dette d'un établissement public reconnue exigible au regard de sa situation financière
et de l'intérêt de poursuivre le service assuré. Ce mécanisme est la conséquence du
contrôle de l'autorité politique sur l'administration des établissements publics. Leurs
administrateurs ne sont en effet généralement pas compétents pour contracter des dettes
ni aliéner les biens dont ils ont la charge sans autorisation de l'autorité
politique155.L'autorité politique a fixé dans l'acte créateur de chaque établissement
public la destination des choses le composant156 ; les administrateurs ne peuvent intervertir
cet ordre sans autorisation. Ce principe a été formulé par le Conseil d'État dans
un avis du 18juillet 1807 rendu à propos des dettes des communes et a été appliqué
par la suite aux établissements publics suivant la logique commune de la minorité de
ces établissements157. Dans cet avis, le Conseil d'État distingue la faculté des créanciers
des communes à obtenir d'elles une condamnation en justice de payer, qui peut
être demandée devant les tribunaux, des actes pris pour leur exécution pour lesquels
les créanciers doivent saisir l'autorité publique. Pour justifier sa décision, le Conseil
d'État rappelle que les communes [mais également les administrateurs des établissements
publics] n'ont pas la libre disposition des biens qui leur sont attribués et qui
tous « ont une destination dont l'ordre ne peut être interverti »158.
187. L'impossibilité de recourir aux voies d'exécution du droit commun contre
les établissements publics n'est pas la conséquence d'un « privilège attaché à la
personnalité morale de droit public »159. Le législateur organise des régimes
154. Jean-Jacques Bienvenu, « La liquidation des établissements publics », op. cit. Par exemple, l'article
1er du décret nº 2010-1271 du 25 octobre 2010 portant dissolution de l'Entreprise de recherches et
d'activités pétrolières dispose : « L'ERAP est dissous le 1er janvier 2011 et mis en liquidation à compter
de cette date ».
155. Voyez les développements consacrés aux dettes des hospices et des établissements publics par
Jean-Michel Durieu, Code de l'administration et de la comptabilité des revenus des établissements publics,
éd. L'Auteur, Paris, 1823, p. 133. Voyez également, Eugène Durieu et Germain Roche, Répertoire de l'administration
et de la comptabilité des établissemens de bienfaisance, hospices, hôpitaux, bureaux de bienfaisance,t.
2, op. cit., p. 38.
156. Infra, nº 214.
157. Cité in Jean-Baptiste Pailliet, Manuel de droit français,8e
éd., T. Desoer, Paris, 1838, p. 651.
Voyez par exemple une application des principes de cet avis aux fabriques, Gilbert de Champeaux, Code
desfabriques et de l'administration paroissiale : contenant le texte des lois, décrets, ordonnances, arrêts et
avis du Conseil d'État, relatifs au gouvernement temporel des églises, et un commentaire du décret du
30 décembre 1809 sur les fabriques, Paris, 1862, t. 2, p. 401 et s.
158. CE, avis, 12 août 1807, cité in Théophile Ducrocq, Cours de droit administratif,2e
éd.,
A. Durand, Paris, 1868, p. 635.
159. Benoît Plessix, « L'éternelle jouvence du service public », JCPA, 2005, p. 1350 : « Maurice
Hauriou avait cru déceler le critère unique d'identification de l'établissement public dans le fait que
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