Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 297

LA DIFFÉRENCIATION DU CONTRÔLE DE L'AUTORITÉ POLITIQUE
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autonomie purement nominale »22, celle-ci s'est exercée sur les premiers établissements
publics avec une vigueur qui s'est maintenue dans le temps. Il n'y a pas d'établissements
publics sans soumission de leur administration au contrôle prudentiel.
L'idée de décentralisation fonctionnelle doit ainsi être précisée. Elle ne peut signifier,
lorsqu'elle est appliquée aux établissements publics, qu'une libération du principe
hiérarchique. En revanche, l'application aux établissements publics de l'idée de
décentralisation, au sens d'affranchissement du pouvoir central, est un contresens.
Il est regrettable que le décalage que Jacques Chevallier remarque entre sa théorie
et la réalité ne l'amène pas à faire évoluer son point de vue23.S'il relève par exemple
que « les dirigeants des établissements publics, nommés par l'autorité supérieure révocables
par elle à tout moment, n'ont été dotés d'aucun des attributs essentiels de l'indépendance
» ou que « la surveillance sur l'activité des établissements publics n'afait que
s'appesantir par un renforcement croissant de la densité des contrôles à tous les stades
de la gestion », à aucun moment il ne remet en question l'idée que les établissements
publics sont par nature des techniques de décentralisation. Il va même jusqu'àsuggérer
que la réalité devrait s'adapter à cette conception idéale de l'établissement public : « La
réforme nécessaire du statut d'établissement public passe par la réalisation effective du
principe de décentralisation commun aux établissements publics et aux collectivités
locales ; il s'agit de donner à tous les établissements publics une réelle autonomie et
d'octroyer à leurs dirigeants des garanties d'indépendance »24.
487. Cette différence, du point de vue de leur relation à l'autorité politique,
entre les établissements publics et les établissements privés s'est donc affirmée pleinement
dans la seconde moitié du XIXe
siècle et s'est maintenue depuis. Elle a été
remarquablement mise en lumière par André Demichel dans son étude du contrôle
exercé par l'État sur les organismes privés25. Il y oppose en effet réglementation et
contrôle dans le but de différencier le rapport des établissements privés et publics à
l'autorité politique. La réglementation ne peut s'appliquer à des institutions sur lesquelles
l'autorité politique souhaite maintenir son influence dans un but de conservation
de la communauté. La réglementation est statique, et en ce sens, « ne permet pas
de suivre, jour après jour, les conditions de fonctionnement d'une institution et de les
confronter avec les nécessités de l'intérêt général ». « Avec la réglementation l'État
pose un cadre et des limites à l'activité des organismes privés. Il ne surveille, ni ne
dirige cette activité elle-même ; le but de la réglementation demeure négatif. L'État
apparaît toujours comme un défenseur de l'ordre public ». À l'inverse, le contrôle
qui pèse sur les établissements publics est dynamique. Ses moyens d'exécution, telle
la présence de commissaire du Gouvernement au sein de l'établissement, « rendent
possible une adaptation constante ».
La frontière entre ces deux types d'établissements, comme toute distinction, est
poreuse. La distinction entre les établissements publics et les établissements privés
étant dépendante des modalités d'intervention de l'autorité politique dans leur
22. Ibid., p. 54.
23. Ibid., p. 18 : « Les lacunes du droit positif en ce qui concerne le statut des établissements publics
ne doivent pas être érigées en tant que principes normatifs ; ce n'est pas parce que l'idée de décentralisation
est mal appliquée en droit administratif français qu'il faut l'abandonner. Il convient au contraire de faire en
sorte que ses exigences soient comprises et acceptées ».
24. Jacques Chevallier, « Les transformations du statut d'établissement public », JCPG, 1972, I,
2496.
25. André Demichel, Le contrôle de l'État sur les organismes privés, op. cit., p. 9 et s.

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