Revue - Droit & Société N°112-2022 - 197

La gestion publique en tension : défis du présent, chantiers du futur. Pour un droit de l'action publique
à l'emporter sur l'efficacité, la recherche des « bonnes pratiques » sur la qualité des
résultats. Or, ce que vient rappeler avec force l'analyse des politiques publiques,
c'est bien que l'administration n'existe que comme instrument dans la gestion des
problèmes publics. C'est d'ailleurs une des vertus potentielles de la réflexion sur les
instruments de gouvernement, nous l'avons dit, et en particulier les instruments de
gestion, que d'offrir une perspective intermédiaire susceptible de mieux penser le
lien entre organization et policy, et d'être ainsi porteurs d'une meilleure articulation
entre réalisations et résultats, outputs et outcomes. Il n'y a pas encore dans les administrations
françaises de réelle culture collective du résultat basée sur un management
par les outcomes. Le peu d'intérêt pour les résultats de l'action a d'ailleurs eu
historiquement pour conséquence dommageable le retard français dans la constitution
de bases de données fiables et plus largement une faible connaissance par
les services de l'État de leur contexte d'action. La mobilisation des données est un
enjeu crucial pour l'efficacité des politiques publiques comme du reste pour évaluer
avec précision l'impact des programmes publics. La lente diffusion de l'évaluation
des politiques publiques en France trouve pour une bonne part son origine
dans cette situation regrettable.
La réflexion sur les conséquences induit également un tout autre rapport au territoire.
Le principe de territorialité qui guide la réflexion en termes de politique
publique vise en effet à définir un espace dynamique de gestion des problèmes
publics caractérisé par la diversité des situations, la contingence des solutions et la
variabilité de leur emprise géographique, mais dont la mise en œuvre suppose une
connaissance elle-même appropriée. Il ne peut y avoir recherche d'efficacité sans
connaissance approfondie des espaces concernés. L'interrogation sur les territoires
est à la fois le point de départ et le point d'arrivée de la gestion publique. Tout problème
s'enracine bien évidemment dans un territoire, mais on le sait les échelles de
territoire peuvent considérablement varier selon la nature des enjeux concernés. La
question n'est pas ici que celle de l'action, elle est celle, décisive, du fait d'effets de
connaissance de plus en plus déterminants, d'une extension considérable de l'éloignement
des lieux de décision des lieux de leurs effets pratiques. Les conséquences de
cette approche renouvelée de la gestion publique sont loin d'être anodines. Si les
territoires sont des configurations complexes et toujours spécifiques d'enjeux et
d'acteurs multiples, ils interdisent des modes de gestion trop mécaniques qui relèvent
rarement d'un seul niveau de gouvernement. Là encore, la réflexion en termes
de politiques publiques vient briser une vieille règle de la culture juridique française
du service public en mettant fin à la standardisation des solutions de gestion
sur le territoire français.
La territorialisation de l'action publique est prioritairement affaire de connaissance
et d'intelligence des situations. Sa portée est immense qui pose la question
des savoirs experts, des instruments d'action publique, des modalités renouvelées
de coordination de l'action et de coopération des acteurs et des cadres institutionnels
dans lesquels se déroule l'action publique.
Droit et Société 112/2022  681

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