Revue - Droit & Société N°112-2022 - 87

La désignation des hauts magistrats entre indépendance et politisation
loin de céder toute leur emprise sur les désignations, les partis politiques cherchent
encore le moyen d'y intervenir. Tel est le cas notamment du Parti social-chrétien (PSC)
qui est alors le principal parti au Congrès et qui défend l'idée de réserver un quart
des sièges de la cour à des « candidats libres » présentés directement par les députés
69. Un magistrat nommé en 1997 résume ainsi la procédure :
On a établi un système [où] la désignation a été faite par des collèges électoraux,
pas par le Congrès comme on faisait avant. L'une des choses que cherchait le pays
était dépolitiser la cour. [...] La procédure était très intéressante. Les collèges électoraux
devaient faire la sélection des candidats [...]. Et après, la question passait à une
commission [qui] a épuré beaucoup la liste [...]. Mais malgré ça il a fallu [courte pause]
compléter la liste à cause de cette sélection rigoureuse, [...] et c'est le Congrès qui a alors
pris pour une dernière fois la responsabilité de désigner les magistrats qui manquaient 70.
III. De la cooptation aux concours. Une dernière tentative de recomposition
des liens politico-judiciaires (1998-2017)
La fin des années 1990 voit la mise en place d'une nouvelle configuration institutionnelle
censée protéger la Cour suprême de toute interférence du politique. La
cooptation, les mandats à durée indéterminée et l'interdiction de destitution éliminaient
les mécanismes traditionnels par lesquels le Congrès pouvait y exercer son
influence. Cependant, une fois surmonté le contexte de crise, de nouveaux questionnements
émergent, mettant en cause cette indépendance renouvelée de la
cour. Les débats politiques autour de cette question révèlent une tension entre la
préservation de l'indépendance et la nécessité de mécanismes de régulation. Finalement,
la nouvelle configuration n'a qu'une courte durée de vie, l'adoption d'une
nouvelle constitution en 2008 changeant de nouveau les règles qui régissent la cour.
III.1. L'indépendance judiciaire en jeu dans un espace politique mouvant
Les années 2000 voient émerger diverses initiatives pour rétablir des mécanismes
de contrôle législatif sur la Cour suprême. L'influence exercée par le Parti
social-chrétien lors des dernières désignations renforce l'idée d'une « dépolitisation
échouée », justifiant les appels à de nouvelles réformes. Des députés de diverses
orientations idéologiques insistent, entre autres, sur la nécessité de rétablir des
mécanismes de « contrôle politique » sur la cour. Dans le même sens, des interventions
au Congrès donnent une lecture critique des arrangements institutionnels
mis en place affirmant que ceux-ci ne répondent pas au principe de l'indépendance
et favorisent l'« irresponsabilité » des magistrats désormais dépourvus de toute forme
de surveillance : « Qui contrôle [les magistrats] ? Qui les surveille ? Ce sont comme des
demi-dieux » 71 ; « Les magistrats de la cour sont les seuls fonctionnaires irresponsables
dans ce pays » 72.
69. « Nueva cumbre Gobierno y PSC », El Comercio, 28 juin 1997.
70. Entretien avec un ancien magistrat de la Cour suprême nommé en 1997, Quito, 14 août 2013. Nous
soulignons.
71. CONGRESO NACIONAL DEL ECUADOR, Acta de sesión ordinaria, Quito, n° 195, 30 mars 2000, p. 35.
72. Ibid., p. 38.
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