Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 238

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QUASI-CONTRAT ET ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
soit visé et qu'il ne soit fait aucune mention de l'enrichissement sans cause dans la
motivation de la Cour. Cet argument doit être réfuté et ce pour au moins deux raisons.
Premièrement, parce que la Cour de cassation refuse l'assimilation entre quasicontrats
et enrichissement injustifié, de sorte que le seul visa de l'article 1371 sans
autre précision ne peut faire présumer un recours implicite à l'enrichissement sans
cause. En second lieu, la comparaison avec le second arrêt, celui du 23 octobre
2012, incite également à penser que le fondement retenu dans ces deux affaires
diffère.
En effet, le changement dans la motivation des arrêts peut se justifier pour des
raisons pratiques. Dans le premier arrêt, celui de 2007, les juges souhaitaient manifestement
pallier l'absence d'indemnité de sortie de réseau, notamment lorsque la rupture
du contrat de franchise, par le franchiseur, est particulièrement brutale et ne respecte
même pas le préavis fixé contractuellement60. En ce cas le quasi-contrat innommé
offre une souplesse incontestable dans l'évaluation de l'indemnité et permet une
indemnisation généreuse qu'il serait plus difficile d'obtenir avec l'action d'enrichissement
sans cause61. La motivation de cet arrêt laisse en effet une grande latitude aux
juges du fond en estimant que le franchisé « subissait un préjudice, dont le principe
était ainsi reconnu et qu'il convenait d'évaluer, au besoin après une mesure d'instruction
». Ainsi, le raisonnement se concentre exclusivement sur le préjudice du franchisé
et en aucun cas sur l'éventuel enrichissement du franchiseur, qui n'est même
pas pris en considération dans l'évaluation de l'indemnité. En revanche, dans le
second arrêt, lorsqu'il s'agit de refuser toute indemnité, l'action d'enrichissement
sans cause offre un argument imparable et expéditif: « l'appauvrissement et l'enrichissement
allégués trouvent leur cause dans l'exécution ou la cessation de la convention
conclue entre les parties »62.L'utilisation des quasi-contrats par la Cour de cassation
est donc purement instrumentalisée63
et il serait vain d'y chercher une
quelconque cohérence.
255. L'utilisation des quasi-contrats innommés. Les juges du fond ne sont
toutefois pas en reste et peuvent également de temps à autre découvrir de nouveaux
quasi-contrats. À titre d'exemple, une cour d'appel avait reconnu un quasi-contrat de
prêt à usage pour un salarié qui avait accidenté le véhicule de sa société alors qu'il
l'utilisait à des fins personnelles64. Une autre application, plus originale, peut être
60. En ce sens voir notamment P. LETOURNEAU, « Quasi-contrat », op. cit., nº 64.
61. Et ce en raison de la règle du double plafond.
62. Cass. com., 23 oct. 2012, arr. préc. En ce sens voir S. PELLET, « Pas d'indemnité pour perte de
clientèle fondée sur l'enrichissement sans cause ! », LEDC nº 11, 2012, p. 1, qui note qu'il est même possible
de considérer qu'il n'y a ni enrichissement ni appauvrissement, car la jurisprudence considère par
ailleurs que le franchisé dispose d'une clientèle propre distincte de celle du franchiseur. La rupture du
contrat de franchise n'a donc pas pour effet automatique de transférer la clientèle du franchisé au franchiseur,
il n'y a donc ni enrichissement du franchiseur, ni appauvrissement du franchisé.
63. En l'occurrence, le quasi-contrat a été utilisé pour (tenter) de reconnaître un droit à une indemnité
de sortie pour le franchisé. Cependant, si on admet cette solution pour le franchisé, il faudrait également le
reconnaître à d'autres distributeurs, tels que les concessionnaires, et l'on comprend alors que, face à ces
enjeux économiques, la Cour de cassation ait finalement reculé sur ce point (S. PELLET, art. préc.).
64. Relevé dans un arrêt de la Cour de cassation du 26 octobre 1965 (Cass. 1re
civ., 26 oct. 1965,
Bull. nº 569), le salarié avait changé d'itinéraire et s'était écrasé contre un arbre, les juges du fond avaient
ainsi relevé que « le fait volontaire de Vessard avait engendré un quasi-contrat de prêt à usage l'obligeant à
restituer à la société Bourgoin-Primeurs le camion emprunté (...) ». Le quasi-contrat ne fut toutefois pas
retenu par la Cour de cassation.

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