Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 263

« CONDITIONS ÉCONOMIQUES » DE L'ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
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s'observe à deux niveaux, d'une part, la notion d'enrichissement n'est pas appréhendée
de la même manière que dans l'action d'enrichissement injustifié (A) et, d'autre
part, la date d'appréciation de l'enrichissement diverge également entre les deux
actions (B).
A. DES DIVERGENCES SUR LA NOTION D'ENRICHISSEMENT
284. Une notion peu encadrée dans l'action d'enrichissement injustifié.
Comme il n'existe aucun régime juridique commun aux trois quasi-contrats, le premier
réflexe pour appréhender la condition d'enrichissement est d'observer les règles
relatives à l'action générale. Cette première approche s'avère particulièrement décevante,
car il n'existe tout simplement aucune disposition sur la définition ou la caractérisation
de l'enrichissement. La Cour de cassation n'est pas plus prolixe à ce sujet,
car elle ne contrôle pas la manière dont les juges évaluent l'enrichissement, elle s'assure
seulement que les juges du fond ont bien appliqué la règle du double plafond5.
Un certain laconisme peut également être observé dans les décisions de juges du fond,
qui se contentent généralement de recourir à un expert, sans discussion ni explication
sur la valeur retenue6. Il est d'ailleurs particulièrement étonnant de constater, que sauf
en cas d'une erreur grossière dans l'application de la règle du double plafond, les
plaideurs contestent rarement, même devant les juges du fond, l'évaluation de l'enrichissement.
La contestation portera essentiellement sur les conditions de subsidiarité
ou d'absence de justification (anciennement absence de cause). Ces deux dernières
conditions ne sont d'ailleurs jamais mises au même plan que l'enrichissement et l'appauvrissement,
qui sont souvent qualifiés de conditions matérielles ou économiques,
tandis que la subsidiarité et l'absence de justification sont qualifiées de conditions
juridiques7.
Le fait que l'enrichissement soit considéré comme une condition « économique »
et non juridique est assez révélateur du relatif désintérêt que suscite cette condition,
qui est simplement présenté comme le pendant positif de l'appauvrissement, les deux
conditions étant prétendument symétriques. L'enrichissement est ainsi présenté
comme tout fait pouvant avantager autrui, que ce soit d'un point de vue matériel ou
même moral8. Pourtant, nous pourrons le constater lorsque sera étudiée la condition
5. Voir par exemple : Cass. 1re
sect. civ., 19janv. 1953, D. 1953.1.234, « qu'en condamnant les époux
Oustry à payer à Lestrade le montant de la plus-value donnée à leur immeuble par les travaux opérés par
celui-ci, sans avoir recherché, au préalable, si cette plus-value n'excédait pas le coût de ces travaux, l'arrêt
attaqué n'a pas eu égard à la double limite déterminant l'indemnité due à l'enrichisseur, à défaut de laquelle
celui-ci s'enrichirait indûment au détriment de l'enrichi », voir plus récemment Cass. 1re
civ., 8 oct. 2014,
nº 13-18.563.
6. Voir par exemple CA Limoges, 16 nov. 2015, nº 15/00444 où le jugement est infirmé car les juges
de 1re instance ont retenu la valeur de l'enrichissement alors que celle de l'appauvrissement était plus faible
(l'espèce concernait un cas de construction sur le terrain d'autrui, la valeur de la plus-value était plus élevée
que la valeur représentant les dépenses engendrées par les travaux de construction).
7. Pour la qualification de conditions économiques voir notamment A. ROUAST, art. préc. ;
M. DOUCHY, th. préc., nº 10 s. ; Pour la qualification de conditions matérielles voir notamment
V. FORTI, « L'enrichissement injustifié. - Généralités. - Conditions matérielles », Jurisclasseur Civil
Code, art. 1303 à 1303-4, 2016 ; A.-M. ROMANI, « Enrichissement injustifié », Rép. dr. civ., Dalloz, 2018.
8. Voir notamment L. ANDREU, N. THOMASSIN, op. cit., nº 1387. La distinction entre condition
économique et condition juridique est à vrai dire étonnante. En comparaison le préjudice n'est jamais présenté
comme une condition économique de la responsabilité par opposition, par exemple, au fait générateur
et au lien de causalité qui seraient des conditions juridiques. Qu'il y ait une dimension économique dans ces
conditions, cela est indéniable, mais cela ne les empêche pas d'être également des conditions juridiques.

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