La revue RH&M - N°85 - Avril 2022 - 38

Performance sociale
Conseils en droit social
Contrat de travail muet : l'employeur
est sauvé par l'accord d'entreprise
sur le temps de travail
2021 en jugeant que sauf dérogation
particulière dans le contrat de travail,
la modulation du temps de travail s'impose
au salarié engagé après la mise en
place de l'accord dans l'entreprise (Cass.
soc., 17 novembre 2021, 19- 25.149).
NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
Jeantet - avocats
Dans cette affaire, un salarié embauché
postérieurement à la signature d'un accord
de modulation avait saisi le conseil
de prud'hommes d'une demande de
rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires
au motif que ce mode
d'organisation du temps de travail ne
lui était pas opposable.
L
a modulation est un dispositif
d'aménagement du temps
de travail permettant de faire
varier la durée de travail sur
tout ou partie de l'année, sous
réserve de respecter un plafond annuel
d'heures travaillées. Autrement dit, la
durée du travail n'étant plus calculée
dans le cadre de la semaine, l'employeur
peut faire effectuer aux salariés des semaines
de plus de 35 heures sans que ce
dépassement ne déclenche le paiement
des heures supplémentaires.
Si le contrat de travail n'envisage pas
cette annualisation du temps de travail,
peut-elle être imposée au salarié,
lorsque l'accord collectif d'entreprise a
prévu une telle modulation ?
La Cour de cassation répond par l'affirmative
dans un arrêt du 17 novembre
L'accord de modulation avait été
conclu en 2001, avant l'embauche du
salarié en 2007 et pourtant le contrat
de travail ne faisait pas référence à
l'existence d'un tel accord sans que l'on
sache réellement si cette omission était
fortuite ou non.
La Cour d'appel avait accueilli favorablement
les demandes du salarié au
motif que le contrat de travail ne mentionnait
pas l'accord de modulation de
façon suffisamment précise. Elle est
censurée par la Cour de cassation qui
adopte une position inverse : la modulation
doit s'appliquer au salarié dans
la mesure où, sauf disposition contractuelle
dérogatoire, le salarié engagé
postérieurement à la mise en œuvre
d'un système de modulation est soumis
à ce dispositif.
La question se posait précisément parce
qu'en l'espèce, les faits étaient antérieurs
à la loi du 22 mars 2012. Cette loi a instauré
le principe selon lequel « la mise
en place d'un dispositif d'aménagement
du temps de travail sur une période
supérieure à la semaine par accord collectif
ne constitue pas une modification
du contrat de travail pour les salariés à
temps complet » (C. trav., art. L. 312143).
Au moyen de cette disposition, le
législateur a entendu contrecarrer la
jurisprudence de la chambre sociale
selon laquelle l'instauration d'une modulation
du temps de travail constituait
une modification du contrat de travail
qui requiert l'accord exprès du salarié.
Il en ressort que si l'accord d'entreprise
avait été conclu après 2012, l'accord du
salarié n'avait pas à être sollicité.
En présence d'un contrat de travail
signé avant la mise en place d'un accord
de modulation, la Cour de cassation
avait déjà précisé que l'article L.3122-6
ancien, n'est applicable qu'aux décisions
de mise en œuvre effective de la modulation
du temps de travail prises après
publication de la loi de 2012 (Cass. soc.
25 septembre 2013 n°12-17.776).
Il ressort de l'arrêt du 17 novembre 2021
que la solution est différente s'agissant
d'un contrat de travail conclu alors
qu'un accord de modulation a déjà été
mis en place dans l'entreprise. Dans de
telles circonstances, la modulation s'impose
au salarié même si son contrat de
travail n'y fait pas référence.
Cette décision est satisfaisante
puisqu'elle permet, si l'on n'a pas été suffisamment
vigilant dans la rédaction du
contrat de travail, de faire valoir la primauté
de l'accord collectif d'entreprise
lorsqu'il s'agit du temps de travail.
P.38 | AVRIL 2022 | N°85 LA REVUE RH&M
La revue RH&M - N°85 - Avril 2022

Table des matières de la publication La revue RH&M - N°85 - Avril 2022
