Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit du travail : les relations collectives - 5e - 107

CHAPITRE 7 - La grève
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l'employeur est impuissant juridiquement à donner satisfaction aux protestataires. Cette solution
peut être remise en cause, si le conflit déclenché dans une entreprise d'un groupe de sociétés
intéresse les salariés d'une autre entreprise du même groupe : le problème de la licéité d'un tel
mouvement peut en effet être traité au regard de la qualification de grève de solidarité interne,
dans la mesure où les entreprises du groupe forment une même puissance économique.
La grève dite de solidarité interne, qui consiste à soutenir un salarié de l'entreprise menacé de
sanctions ou d'un licenciement, est également illicite, si le litige intéresse la situation individuelle
d'un travailleur. Il a ainsi été jugé que la grève consistant à soutenir un salarié sanctionné pour
avoir jeté de la peinture sur un agent de maîtrise n'était pas régulière. En revanche, si la sanction
ou le licenciement envisagé est susceptible d'avoir des répercussions d'un point de vue collectif
et s'avère injustifié, les autres salariés peuvent valablement exercer leur droit de grève pour
protester (Cass. soc., 30 mai 1989 : Bull. civ. V, nº405).
Enfin, la question des revendications manifestement déraisonnables a longtemps divisé les
magistrats. Elle a notamment éclaté dans l'affaire de l'Airbus conçu pour voler avec deux pilotes.
Les salariés d'Air France revendiquaient un pilotage à trois, alors que les nouveaux appareils, déjà
construits, ne pouvaient recevoir que deux personnes aux commandes. L'Assemblée Plénière de la
Cour de cassation avait décidé que de tels motifs de protestation constituaient des « revendications
manifestement déraisonnables » disqualifiant la grève projetée en « trouble manifestement
illicite » (Cass. ass. plén., 4juill. 1986 : Dr. soc. 1986, p. 745, concl. R. Bouyssic, note
G. Lyon-Caen). Sa position se justifiait notamment par le fait que l'employeur, étant sous le
contrôle de l'État, n'avait aucun pouvoir pour répondre à ces demandes, et que les appareils
avaient déjà été commandés et payés. Mais les juges du fond, soutenus par la doctrine, ont très
rapidement résisté à cette jurisprudence : la Cour d'appel de Paris indiquait notamment, dans
2 arrêts portant également sur le problème du pilotage à 2 des Airbus, que « le juge de l'ordre
judiciaire n'a pas qualité, ni compétence pour apprécier le bien-fondé et, par suite, la légitimité
des revendications d'ordre professionnel présentées par l'une ou l'autre des parties au conflit »
(CA Paris, 27janv. 1988 : D. 1988, Jurisp., p. 351, note J.-C. Javillier). C'est finalement cette
position qui l'a emporté quelques années plus tard devant la Cour de cassation : en décidant que
la « capacité de l'employeur à satisfaire les revendications des salariés est sans incidence sur la
légitimité de la grève », l'arrêt rendu le 23 octobre 2007 ne s'est pas démarqué de cette ligne
jurisprudentielle (Cass. soc., 2juin 1992 : Bull. civ. V, nº319 ; Rapp. P. Waquet et note de J.-E. Ray;
Dr. soc. 1992, p. 696).

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