Revue - Droit & Société N°111-2022 - 168

C. TAMBURINI
pénale à l'égard d'un comportement déterminé, mais encore à la suppression de son
statut même de " crime " (au sens large), c'est-à-dire d'infraction pénale » 62. En ce qui
concerne la réglementation, elle correspond à « la reconnaissance d'un droit à
l'accomplissement d'un comportement, mais dont l'exercice est assorti de conditions
plus ou moins restrictive » 63. Si la loi belge, pour ce qui est de l'euthanasie et
du suicide assisté, procède à une décriminalisation (partielle) de droit, la loi française
opère, quant à elle, une réglementation de la pratique de la sédation terminale,
par le biais de l'affirmation de l'obligation du médecin de respecter la volonté
du patient 64.
La loi italienne ne se borne pas à réglementer un comportement qui était déjà licite
sur la base de l'article 32 de la Constitution. Elle ajoute un alinéa qui « exempte de la
responsabilité civile ou pénale » le médecin qui met en œuvre la volonté du patient
(article 1, alinéa 6). La classification juridique de cette mesure est complexe : on
pourrait la définir comme une exemption légale, suivant le choix terminologique du
législateur italien, ou comme une règlementation. L'intervention de la Cour constitutionnelle
italienne constitue une dépénalisation partielle du suicide assisté.
III. Le rôle et les transformations du droit pénal et des principes juridiques
mobilisés
Nous allons maintenant expliquer les évolutions mises en évidence en examinant
le rôle et les transformations du droit pénal dans nos sociétés, de l'autonomie
individuelle et des autres droits humains.
III.1. La décriminalisation comme conséquence du pluralisme
Historiquement, dans les sociétés dites archaïques de même que dans certaines
sociétés religieuses plus proches de nous, l'on assiste « à une véritable coïncidence
entre ce qui est " immoral " et " criminel " , entre l'existence d'une responsabilité morale
et pénale » 65. Droit, morale et religion y sont difficiles à distinguer. Cela nous paraît
conforme au point de vue communautarien.
Par contraste, dans les sociétés contemporaines d'Europe occidentale, l'un des
axiomes de l'État de droit pluraliste est la distinction entre le droit et la morale 66.
Toutefois, selon le courant du moralisme juridique, « la société est tenue ensemble
par les liens invisibles d'opinions communes et l'existence d'une morale commune
fait partie de ces liens » 67. Une morale qualifiée de collective ne saurait exister en
présence de positions sociales clairement divergentes. Or, au sein de nos sociétés, les
62. Michel VAN DE KERCHOVE, Le droit sans peines. Aspects de la dépénalisation en Belgique et aux États-Unis,
Bruxelles : Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, 1987, p. 311.
63. Ibid., p. 314.
64. Article L. 1111-4 du Code de la santé publique.
65. Michel VAN DE KERCHOVE, Le droit sans peines. Aspects de la dépénalisation en Belgique et aux États-Unis,
op. cit., p. 438.
66. Frank JUDO, « La législation sur l'euthanasie aux Pays-Bas et en Belgique : un train peut en cacher un
autre », article cité, p. 76.
67. Michel VAN DE KERCHOVE, Le droit sans peines, op. cit., p. 445.
394  Droit et Société 111/2022
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