Revue - Droit & Société N°111-2022 - 89

Temps de la nature, temps de la procédure. Conflit de temporalités dans le droit de l'environnement
moindre ampleur, instruits sans anticipation et face à un aménageur qui cherche à
minimiser ses contraintes en recourant éventuellement au soutien politique local 24,
débouchent généralement sur des durées modestes, parfois de moins de dix ans.
Parmi les dix-huit études de cas réalisées, la durée des mesures s'échelonne entre
quinze et trente ans (tableau 1). Dans neuf cas, l'engagement est temporaire et la
gestion écologique s'arrête avec la fin de l'obligation du maître d'ouvrage. Dans six
cas, l'organisation intermédiaire a négocié sa participation à la condition de se voir
rétrocéder le site de manière à assurer la pérennité de sa protection au-delà de la
durée d'engagement de l'aménageur.
Tableau 1
Durée des mesures compensatoires et modalités de pérennisation
Durée d'engagement
de l'aménageur
15 ans (4 cas d'études)
20 ans (3 cas d'études)
25 (2 cas d'études)
30 (4 cas d'études)
Non renseigné (5 cas d'études)
Portage foncier
Relations contractuelles entre
l'aménageur et un agriculteur :
9 cas d'études
Rétrocession pérenne à un organisme
de protection
de la nature
Ces éléments illustrent de quelle manière l'hétérogénéité qui caractérise
l'application du droit est sous-tendue par des facteurs multiples, qui concernent les
caractéristiques écologiques et foncières des territoires ainsi que les caractéristiques
techniques des projets. Au-delà de ces dimensions, le recours à une économie
de services environnementaux complexifie la distribution du pouvoir au sein
de la configuration d'acteurs en présence : si la relation entre les aménageurs et les
services de l'État apparaît comme un élément central de la négociation à l'œuvre,
l'enquête illustre aussi que l'inscription territoriale de longue durée, ainsi que
l'anticipation foncière des organisations intermédiaires leur confèrent le pouvoir
d'influencer cette négociation selon leurs intérêts. Ayant prospecté pour identifier
du foncier, voire constitué des réserves foncières, ces dernières sont à même de
proposer des solutions territoriales et validées sur le plan écologique par l'administration.
Au fil du temps, l'administration tisse des habitudes de travail avec certains
intermédiaires, et leur participation à un projet peut apparaître comme un gage de
qualité.
III.2. L'offre de service environnemental comme enjeu du pouvoir
Dans la plupart des cas étudiés, le déséquilibre de pouvoir entre agents et aménageurs
débouche sur des mesures environnementales aux durées modestes. Ce
face à face est aussi fortement influencé par l'intervention des organisations intermédiaires
dont l'aménageur dépend pour la mise en œuvre des mesures, car les
24. Pierre LASCOUMES et Jean-Pierre LE BOURHIS, « Des " passe-droits " aux passes du droit. La mise en œuvre
socio-juridique de l'action publique », Droit et Société, 32, 1996.
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