Revue - Droit & Société N°111-2022 - 69

Une accélération maîtrisée
matin et celui de l'après-midi. Ce dernier consiste à répondre au téléphone pour
sélectionner des affaires et il est caractérisé par l'attente d'un appel, un toutes les
heures en moyenne lors de nos observations. Pour les membres du LKA 743, ce sont
leurs collègues qui patrouillent et les contactent par téléphone qui manquent de
temps. Ce que les policier·es considèrent comme un manque de temps consiste en
une disjonction entre le temps disponible pour réaliser une action et celui estimé
comme nécessaire à sa bonne réalisation. Une policière, qui a rejoint l'unité
quelques mois plus tôt, le constate le 19 novembre 2019 : « c'est compliqué pour les
collègues, ils n'ont pas le temps... je sais ce que c'est » 25. La séquence se termine
une fois que les agent·e·s du LKA 743 ont décidé de sélectionner l'affaire. Le matin,
les policier·es doivent également répondre au téléphone, mais surtout traiter les
affaires sélectionnées la veille. Chaque affaire est confiée à un·e enquêteur·ice du
LKA 743 et chaque agent·e a donc un nombre défini d'affaires à traiter. Lors de mes
observations, les agent·es avaient rarement plus d'un cas à traiter. Or, comme le
souligne un policier en entretien, « c'est quand on a trois cas qu'on manque de
temps (Zeitnot) ». Il rappelle ainsi que la charge de travail dépend du volume des
affaires à traiter dans un temps donné et non pas du simple délai de traitement.
Le faible délai accordé pour traiter les affaires permet de mettre en place des
modes d'investigations plus rapides pour les policier·es. Les vidéos sont visualisées
directement par des membres du LKA 743 sans passer par un service spécialisé, ce qui
élimine le délai de transmission et d'attente du traitement. Le reste des enquêtes se
fait par téléphone et l'enquêteur·ice ne doit donc pas écrire une convocation, recevoir
les témoins, mener l'audition et la retranscrire par la suite. En procédure particulièrement
accélérée, ces échanges téléphoniques sont retranscrits sous forme de notes
(Vermerke). Ces dernières ne comportent généralement que quelques lignes rédigées
à l'ordinateur, à la différence des auditions de témoin qui s'étalent sur plusieurs
pages. S'il manque une information, ces notes peuvent très facilement être
reprises et complétées.
L'accélération de la procédure pénale ne se traduit pas par une intensification
du travail pour les agent·es du LKA 743. Loin de générer du stress, le travail au sein
de cette unité permet au contraire aux policier·es de trouver un environnement
plus serein, comme l'explique un policier qui a quitté un poste précédent où la
quantité de travail l'avait mené au surmenage, alors que les procédures y étaient
plus lentes.
Nous avions beaucoup à faire et pour cette raison, à un moment, je suis tombé
malade. Donc j'ai été longtemps malade et, quand je suis revenu, le chef de l'unité de
l'époque m'a proposé de venir ici. Il m'a dit de venir là pour faire les procédures particulièrement
accélérées. Il m'a dit de commencer à l'essai, de regarder comment cela
fonctionne ici. Et cela m'a plu et je suis resté.
Entretien avec un policier du LKA 743
Un autre policier du LKA 743 se décrit comme étant dans une situation similaire
et ces cas illustrent que l'accélération des procédures ne signifie pas celle des
rythmes de travail, qui dépend plus du nombre d'affaires traitées. Au-delà de la
25. Extrait du carnet de terrain, 19 novembre 2019.
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