Revue - Droit & Société N°111-2022 - 39

Le raisonnement préventif ou quand le contrôle devient hors de contrôle
d'« exercer depuis 2013 la fonction d'agent de sûreté en donnant pleine satisfaction
». Le juge des référés ordonne le réexamen de la situation et la suspension de la
décision du préfet, qui prolonge de six mois l'habilitation. Un an après, le 27 juillet
2016, le préfet communique au TA son mémoire en défense, cette fois-ci accompagné
de la note blanche.
Encadré 7
Le mémoire en défense du préfet 59
Le préfet déclare que le « comportement » de l'agent a été considéré à juste titre
comme susceptible de représenter un « risque » pour la « sécurité du territoire français »
et que le manque d'informations complètes est justifié par la nécessité de garder le secretdéfense
quant à certaines informations « sensibles ».
Le « profil » de l'agent, connu par la police, serait « très inquiétant dans l'état actuel
de la menace terroriste qui pèse sur notre pays ». Tout en décrivant le comportement et
la moralité du requérant comme constituant un « risque pour la sûreté aéroportuaire de
l'État », le préfet rappelle le concept de « sûreté » qu'il doit évaluer au cas par cas :
La notion de sûreté recouvre des évènements liés aux rixes, disputes, émeutes, risques
d'attentats de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la sûreté de l'État sur
un secteur d'activité hautement sensible comme l'est celui de la zone réservée de [nom de
l'aéroport].
Selon le préfet, il est opportun d'apprécier les faits à la lumière du « contexte » du
post-attentats de janvier 2015 et de la hausse conséquente du niveau d'alerte du plan
« Vigipirate » : d'après lui, parmi les raisons pertinentes à prendre en compte pour évaluer
le niveau de dangerosité du comportement de l'agent, le « contexte actuel géopolitique
de sécurité intérieure » légitimerait le recours au principe constitutionnel de précaution.
Le
conflit oppose la menace sécuritaire à l'atteinte portée aux libertés fondamentales
: la première, qui prime, légitime à la fois la précaution et la prévention.
Dans le mémoire en réponse adressé par l'avocate de l'agent au TA, cette dernière
fait référence au fait que le préfet n'a pas communiqué les motifs soutenant sa prise de
décision à l'intéressé dans les délais prévus. Elle fait valoir que la décision contestée est
« dépourvue de toute motivation en fait », « ne fait état d'aucune urgence absolue pouvant
justifier un tel défaut de motivation » et par conséquent elle est « illégale » : « les
faits sont présentés sous l'angle de prétendues tentatives de dissimulation d'information
par le requérant, dans le but de dresser le portrait d'une personne " inquiétante "
pour reprendre le terme du préfet dans son mémoire », dénonce l'avocate.
Le juge du TA rejette la requête et estime que, en se fondant sur la note blanche,
le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation, car le refus d'habilitation n'est pas
disproportionné au regard de l'atteinte portée à la vie privée et familiale. L'agent
d'escale, quant à lui, ne présenterait pas « [les] garanties requises au regard de la
sûreté de l'État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de l'ordre
public » 60.
59. Le contenu résumé est tiré du mémoire en défense produit par le préfet et communiqué au TA le
27 juillet 2016.
60. Jugement rendu par le TA le 3 février 2017.
Droit et Société 111/2022  265
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