Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 74 - La pluralité de victimes en droit pénal - 341

LE PROCÈS PÉNAL À L'ÉPREUVE DE LA PLURALITÉ DE PARTIES CIVILES
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758. Appel sur les seuls intérêts civils après relaxe ou acquittement. En troisième
et dernier lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne prémunit pas
non plus d'une contradiction de décisions de justice lorsqu'après relaxe ou acquittement,
un appel est interjeté sur les seuls intérêts civils par certaines victimes présentes
au procès pénal. Dans un tel cas, la décision rendue par la Cour d'appel statuant en
matière pénale sur l'appel de certaines parties civiles peut en effet diverger de celle
prise par les premiers juges relativement aux victimes parties civiles qui n'ont pas
interjeté appel141. La décision qui sera ultérieurement rendue par le juge civil est
ainsi susceptible d'être contradictoire avec l'une ou l'autre des décisions rendues
dans le cadre du procès pénal. Il reste à déterminer laquelle. De là, il aurait pu se
concevoir que la décision que le juge civil dût respecter soit celle rendue par les
juges d'appel dans la mesure où ils ont statué en dernier et alors que leur décision a
une autorité supérieure à celle rendue par les premiers juges. La solution retenue est
toutefois différente. En effet, la Cour de cassation n'attribue l'autorité de la chose
jugée au pénal sur le civil qu'aux seules dispositions pénales du jugement rendu par
le juge éponyme à l'exclusion des dispositions qui intéressent les seuls intérêts
civils142. Il en découle qu'après un procès pénal ayant donné lieu à un appel sur les
seuls intérêts civils interjeté par certaines victimes, la décision que le juge civil saisi
par d'autres victimes du même fait ne doit pas contredire est celle rendue par les premiers
juges et non celle rendue en appel. Dans cette hypothèse, l'autorité de la chose
jugée au pénal sur le civil est donc nécessairement inapte à assurer la cohérence des
décisions de justice rendues relativement à plusieurs victimes du même fait, lorsque
les décisions émises par les juridictions pénales sont elles-mêmes contradictoires.
759. Conclusion de la section. Par exception, la pluralité de victimes ou le plus
souvent de parties civiles est susceptible d'avoir une incidence sur la situation des
victimes que ce soit du point de vue de la participation à l'instance ou du point de
vue de l'instance elle-même. À l'égard de la participation à l'instance, l'action de
l'une des victimes constituées a ainsi vocation à influer sur le statut des autres victimes
qui se sont ultérieurement constituées parties civiles. Le caractère incident de leur
participation détermine ainsi notamment le régime auquel elles sont soumises. Pourtant,
le critère de détermination du régime qui leur est appliqué paraît plutôt pouvoir
résider dans l'existence ou non de l'assentiment préalable d'un magistrat à leur participation
à l'instance. En outre et toujours quant à la participation à l'instance, la pluralité
de victimes a également une incidence exceptionnelle sur le principe de la participation
d'autres victimes, telle que l'illustre la constitution de partie civile en
matière contraventionnelle ou celle des associations lorsqu'est exigé l'accord de la
victime ou de toutes semble-t-il en cas de pluralité de victimes. Plus radicalement, la
pluralité de parties civiles a également une incidence sur l'instance. Quant à son
déroulement d'abord, l'action d'une des victimes parties civiles peut étendre à toutes
les autres le huis clos qu'elle aura demandé, ou exclure le huis clos quand elle s'y sera
opposée. De même, l'appel interjeté par l'une d'elles peut octroyer aux autres parties
civiles un délai supplémentaire pour interjeter semblablement appel, tout comme il
peut être incidemment tenu compte de la pluralité de victimes pour déterminer si les
conditions de l'appel sont remplies en matière contraventionnelle lorsqu'elle entraîne
des infractions multiples pour un même fait. Enfin, la pluralité de parties civiles a
141. Sur ce point, v. supra, nº 707.
142. Sur ce point, v. not. la thèse d'A. Botton, Contribution à l'étude de l'autorité de la chosejugée
au pénal sur le civil, LGDJ, coll. Bibliothèque des sciences criminelles, 2010, t. 49, p. 3 et p. 190.

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