Annales corrigées et commentées - Droit constitutionnel - L1 - 7e - 129

1993 à 1995 Édouard Balladur est nommé par François Mitterrand à la suite des
élections législatives de 1993. Enfin, de 1997 à 2002, Lionel Jospin devient le Premier
ministre socialiste du Président Jacques Chirac à la suite des élections législatives
de 1997 consécutives à une dissolution de convenance. Ces deux nominations
sont là encore la conséquence d'une cohérence entre la majorité parlementaire
et le choix d'un Premier ministre et de son Gouvernement. Il n'y a donc en réalité,
lors des périodes de discordance, aucune véritable liberté dans le choix du Premier
ministre. Cependant, cette hypothèse semble désormais improbable.
B) L'improbable cohabitation, la liberté de choix retrouvée
« Le Président de la République (...) décrète (...) M. Jacques Chirac est nommé
Premier ministre ». Ce type de décret actant une cohabitation au travers d'une
nomination est désormais peu probable. En effet, la réforme constitutionnelle de
2000 réduisant le mandat du président de la République à 5 ans, ainsi que l'inversion
du calendrier électoral - les élections législatives succèdent désormais à
l'élection présidentielle - ont sans doute eu raison de cette hypothèse. Certes, dans
l'absolu, rien ne l'empêche véritablement, mais force est de constater qu'il faudrait
une concaténation d'événements très aléatoires que certains candidats battus à
l'élection présidentielle de 2022 ont pourtant appelé de leurs vœux.
Hormis le cas inédit où, consécutivement aux élections présidentielles, une majorité
opposée gagnerait les élections législatives, il faut noter trois possibilités.
D'une part, il est toujours possible qu'une vacance du pouvoir survienne (prenons
la situation la moins dramatique et imaginons une démission), et que conformément
à l'article 7 de la Constitution, de nouvelles élections portent au pouvoir un
candidat opposant à la majorité parlementaire. Dans ce cas, il semble acquis que
le Président élu procèderait à une dissolution de cohérence afin d'obtenir une
majorité à l'Assemblée nationale. C'est d'ailleurs ce que François Mitterrand a fait
en 1981 et 1988, lui permettant de gagner la majorité à l'Assemblée nationale.
Aussi, dans ce cas, avec une victoire probable, point de cohabitation.
D'autre part, en poussant un peu plus loin ce raisonnement, en admettant que le
Président nouvellement élu ne puisse pas procéder à cette dissolution parce que,
hypothèse extraordinaire, son prédécesseur y aurait recouru il y a moins d'un an.
Alors il se pourrait que cette hypothèse se représente et qu'il soit dans l'obligation
de nommer un opposant. Mais il est fort à parier qu'il procèderait à une dissolution
dès que la possibilité lui serait offerte.
Enfin, il est également possible qu'un Président élu se pique de vouloir dissoudre
l'Assemblée nationale, ce que la concomitance des mandats rendrait incongru
mais pas impossible. Dans ce cas, et dans l'hypothèse où, comme Mac Mahon en
1877, il perdrait les élections qu'il a provoqué, il devrait, plutôt que de se soumettre,
se démettre.
Cependant, si l'hypothèse d'une cohabitation est désormais limitée, les élections
législatives de 2022 ont fait apparaître un contexte nouveau, celui d'une majorité
seulement relative pour le camp présidentiel. Sans remettre en cause la liberté de
choix du Premier ministre par le Président dont témoigne la précédente expérience
de majorité relative (1988-1993), les circonstances de 2022 (majorité relative moins
importante, révisions constitutionnelles ayant limité les possibilités de recours aux
outils du parlementarisme rationalisé...) ont sans doute accentué la réflexion présidentielle
avant de choisir Élisabeth Borne comme Première ministre.
Il serait souhaitable ici de préciser
qu'il existe un « élan présidentiel »
qui rend improbable une distorsion
entre l'élection présidentielle et les
élections législatives consécutives.
La référence à la dissolution ratée
du Président Mac Mahon est de
bon aloi, cela permet de démontrer
que les éléments du premier
semestre sont assimilés.
Il faut ajouter ici que Mac
Mahon n'a pas démissionné
immédiatement, c'est seulement
en janvier 1879, après que le
Sénat est devenu républicain qu'il
démissionne.
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