Annales corrigées et commentées - Droit constitutionnel - L1 - 7e - 82

n'intervient donc que si la majorité qui a permis la constitution du Gouvernement
n'existe plus et qu'aucune autre majorité alternative ne réussit à se constituer pour
désigner un nouveau Premier ministre. La Chambre manifeste son incapacité à
travailler, aucune majorité ne pouvant se mettre d'accord sur un programme de
Gouvernement et la dissolution apparaît comme la solution à la crise politique.
Vous pouviez rapprocher ces
données des mécanismes en
vigueur en Allemagne, qui a inspiré
la révision de 1993, et en GrandeBretagne
depuis le Fixed Term
Parliament Act de 2011.
C'est la raison pour laquelle il n'est pas renvoyé à l'article 96 dans le dispositif de
l'article 46. L'article 96 consacre les motions de méfiance et de confiance constructives.
Dans ces hypothèses, la nouvelle majorité qui s'est dessinée à l'assemblée est
parvenue à constituer un nouveau Gouvernement, la dissolution apparaît inutile.
Elle ne l'est pas si la majorité s'entend pour renverser le Gouvernement, mais pas
pour désigner son successeur.
Toutefois, on se rend compte que ces différentes précautions offrent à la Chambre
la maîtrise de la dissolution, au moment où on a voulu la rationaliser en limitant le
pouvoir du Roi. Elle peut ainsi éviter la dissolution en ne manifestant sa défiance
que dans les termes de l'article 96. Elle peut surtout pousser le Gouvernement à la
démission, sans pour autant entrer dans les cas de l'article 46, alinéa 1, en approchant
la majorité absolue sans l'atteindre. Calibrage plongeant le régime dans
une instabilité comparable à celle qu'a connue la France sous la Quatrième République.
L'absence de vote adopté à la majorité absolue des membres empêche le
Roi de recourir à la dissolution. Il ne peut alors le faire que dans les limites posées
par l'article 46, alinéa 3, à savoir la démission du Gouvernement, qui n'est pas
exigée dans le premier alinéa, et l'accord de la Chambre sur sa propre dissolution.
Ce détournement conduirait à n'en pas douter à un régime d'assemblée, la
dissolution devenant illusoire, ce qui mettrait en péril l'équilibre recherché par les
constituants.
Si la pratique s'est éloignée de la lettre de l'article 46, elle n'a pas suivi cette évolution,
mais l'équilibre qui semble aujourd'hui avoir été trouvé puise sa source dans
un autre détournement de l'article 46.
B) Des règles inopérantes
Enfin des données pratiques,
on craignait un commentaire
hors-sol !
Certaines données pourraient faire croire que le régime a trouvé sa stabilité,
notamment après que la révision de 1993 a introduit les mécanismes de rationalisation
justifiée par la succession en 20 ans (1972-1992) de 15 Gouvernements
et de 8 législatures. Ainsi, le dernier rejet d'une motion de confiance a eu lieu en
mars 1946, le Gouvernement Spaak à peine constitué n'étant pas parvenu à faire
approuver son programme. De même, la dernière dissolution prononcée en application
de l'actuel article 46, alinéa 3 a été prononcée en 1985, après la démission
spontanée du Gouvernement et l'acceptation par la chambre de sa dissolution.
À première vue, il semble donc que les dispositions de rationalisation de l'article 46
aient permis d'assurer la stabilité du régime parlementaire belge.
Mais l'analyse de l'histoire constitutionnelle ne confirme pas cette conclusion. En
effet, aucune législature n'est allée à son terme entre 1929 et 2010. Certes, il semble
s'agir d'une dissolution qui anticipe la crise : le Gouvernement préférant démissionner
de manière spontanée avant d'y être obligé par un vote de défiance. Ce
faisant, il ouvre la possibilité offerte par l'actuel article 46, alinéa 3.
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