Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit administratif des biens - 8e - 135

CHAPITRE 6 - Procédure d'expropriation
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a) Expropriation et voie de fait
Il n'y a voie de fait justifiant, « que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution
forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant une atteinte à la
liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui
a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui
est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative
» (T. confl., 17juin 2013, Bergoend/Société ERDF Annecy Léman ; conf. Cass. civ., 9 déc. 2015,
communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ; T. confl., 11janv. 2016, Réseau ferré
de France ; Cass. civ., 15 déc. 2016, no
15-20953, Société EDF). Cette jurisprudence conduit à
diminuer le champ d'application de la voie de fait : ainsi, l'implantation, même sans titre, d'un
ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement
insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration et ne saurait, dès lors,
constituer une voie de fait (Cass. 3e
civ., 11 oct. 2018, no 17-17806).
La reconnaissance de la voie de fait (rarissime désormais, donc) entraîne plénitude de compétence
du juge judiciaire : pour qualifier la voie de fait, réparer pécuniairement les préjudices consécutifs,
et enjoindre la cessation des agissements qui la constituent. La tardiveté à déclencher une action
par des propriétaires successifs peut faire perdre la qualification de voie de fait (Cass. civ., 19 déc.
2012, Nouaille c/ERDF).
Ainsi, l'abattage d'arbres situés sur un terrain privé, sans l'accord du propriétaire, par des détenus,
sur les instructions du directeur du centre pénitentiaire, pour permettre la vue sur le lagon depuis
son logement de fonction (T. confl., 15 févr. 2010, Tarahu, no
3722).
Comme par définition l'expropriation porte atteinte à la propriété, c'est la seconde condition, relative
à l'absence manifeste de rattachement aux pouvoirs de l'administration qui pose des difficultés
en jurisprudence. Ainsi, il y a voie de fait par exemple lorsque l'administration « exproprie »
une propriété privée sans justifier d'un titre et sans utiliser les voies légales (Cass. 3e
1994, Consorts de Penguern et autres c/Commune de Cesson-Sévigné ; Cass. 3e
civ., 16 févr.
civ., 18 avr. 2000,
Min. Transports c/ Société Shell ; Cass. 3e civ., 5 mai 2010, SASIM c/ SIAH) ; ou si elle enfouit des
canalisations dans un terrain sans demander d'autorisation au propriétaire et sans titre (T. confl.,
21juin 2010, Arriat c/Commune de Nevers), mais pas dans le cas où elle procède à l'évacuation
du camp de migrants de Calais, car c'est en exécution d'une décision du juge judiciaire (T. confl.,
4juill. 2022, no
C4248).
La propriété protégée peut être celle d'une personne publique (Cass. civ., 28 nov. 2006, Commune
de Saint-Maur-des-Fossés) aussi bien que d'une personne privée.
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