Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire - 181

La CoopÉration judiciaire À l'issue de l'instance

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Si le jugement étranger est assorti d'une astreinte liquidée, la coopération du juge
d'accueil se limitera alors à la reconnaissance de la mesure et de l'astreinte afin de
pouvoir exécuter cette dernière dans son for. Mais qu'en est-il de l'hypothèse où le
juge étranger a assorti une injonction d'une sanction, sans la liquider ? Cette question
reste ouverte, mais il nous semble qu'elle n'est pas fondamentalement différente de
l'hypothèse précédente dans laquelle le juge requis accueille une décision d'astreinte
déjà liquidée. Il semble que dans les deux cas le juge requis reçoit la délégation de
jurisdictio du juge d'origine, mais met en œuvre son propre imperium237. Pour appuyer
cet argument, une analogie peut être faite avec le cas des intérêts moratoires prononcés par le juge français lorsqu'un jugement étranger ou une sentence arbitrale prononcent une indemnité238, ou encore avec le pouvoir exclusif du juge requis, chargé de
l'exécution, d'octroyer un délai de grâce paralysant l'exécution forcée en France239.
Par ailleurs, à la lumière de l'arrêt Blech et de la généralité de la formule employée par
la Cour de cassation quant à la nature civile de l'astreinte prononcée par le juge américain, il semble que le juge français soit favorable à la coopération de l'ordre juridique
français en matière d'astreintes. La coopération en matière d'accueil des sanctions
pécuniaires étrangères non liquidées par le juge d'origine consisterait, pour le juge
requis, en plus de revêtir l'injonction principale de formule exécutoire, d'analyser la
sanction étrangère afin de lui donner une qualification adéquate dans son ordre juridique. Une telle approche répond à l'« objectif de collaboration internationale »240 et
permet d'assurer l'efficacité que le juge d'origine souhaitait donner à la mesure prononcée mais qu'il ne pouvait pas garantir au-delà de son ressort. 
154.  Le juge et les injonctions anti-suit.  Les injonctions anti-suit sont délivrées in personam contre le justiciable afin de lui interdire d'entamer ou de poursuivre une procédure parallèle à l'étranger. Instrument de common law de prévention ou de gestion de conflits de procédures, les injonctions anti-suit ont été traditionnellement perçues, dans des systèmes continentaux, comme « des immixtions
dans le fonctionnement de la justice d'un autre pays »241. À ce titre, leur reconnaissance n'était pas permise par la Cour de cassation, qui considérait qu'elles constituaient une ingérence dans le fonctionnement d'une justice étrangère et portaient
atteinte à la souveraineté de l'État requis242. La Cour de cassation a d'abord
237. Si l'astreinte a trait non pas à l'exécution de l'obligation, mais à l'exécution de la décision
étrangère, elle ressortit à l'imperium du juge d'origine et serait privée d'effet extraterritorial. Sur la
question, V. D.  BUREAU, H. MUIR WATT, Droit international privé, t.  I, op.  cit., n°  298.
Adde S. CLAVEL, Le pouvoir d'injonction extraterritorial des juges pour le règlement des litiges privés
internationaux, op. cit., spéc. n° 124, n° 164 : « Le pouvoir d'injonction des juges relève de la fonction
juridictionnelle, et non d'une fonction administrative ou d'une fonction d'exécution ».
238. Civ. 1re, 6 mars 2007, Delsey, Rev. crit. DIP, 2007.784, note R. LIBCHABER ; JDI 2008.537,
note S. BOLLÉE. 
239. G. CUNIBERTI, « Quelques observations sur le régime de l'astreinte en droit international
privé », op. cit., p. 2.
240. M.-L.  NIBOYET, « L'injonction Mareva s'introduit en France (suite et fin de l'affaire
Stolzenberg) », op. cit. 
241. M.-L. NIBOYET, « L'injonction sous astreinte de renoncer aux poursuites exercées à
l'étranger ou la version française de l'anti-suit injunction sur le fond de faillite internationale », note
sous Civ.  1re, 19  nov.  2002, préc., Gaz.  Pal., 2003, n°  177, p.  29. Sur le point de vue français, V.
not. S. CLAVEL, Le pouvoir d'injonction extraterritoriale des juges pour le règlement des litiges privés
internationaux, op.  cit. ; sur le point de vue américain, G.  BERMANN, « The use of anti-suit
injunctions in international litigation », 28 Colum. J. Transnat'l L. 589.
242. Civ. 1re, 30 juin 2004, Stolzenberg, préc. V. not. M.-L. NIBOYET, « L'hostilité de la Cour de
cassation et de la Cour de justice à l'égard des injonctions ''anti-suit", note sous l'arrêt, Gaz. Pal.,
15/01/2005, n° 015, p. 30.

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