Bibliothèque de droit social - Tome 87 - La défense de l'intérêt collectif en droit du travail - 66

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LA DÉFENSE DE L'INTÉRÊT COLLECTIF EN DROIT DU TRAVAIL
relations interindividuelles. Aucun régime de faveur n'est octroyé à l'action collective,
qui reste soumise aux libertés du marché170. Lorsque plusieurs travailleurs cessent le
travail conjointement, ils peuvent être traités par leur employeur de la même manière
que s'ils avaient cessé le travail isolément171. La dimension collective de l'action apparaît
donc comme une simple circonstance de fait : les règles relatives à la rupture du
contrat de travail s'appliquent dès lors sans distinction. Les juges vont d'ailleurs développer
une jurisprudence très défavorable aux coalitions en assimilant la grève à la rupture
du contrat de travail172.L'ouvrier qui cesse d'accomplir son travail est réputé avoir
rompu unilatéralement son contrat, ce qui l'expose souvent au paiement d'une indemnité
du fait du caractère abusif de la rupture ou du non-respect du délai de prévenance173.
II. DÉPÉNALISATION DE LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS
PROFESSIONNELS PAR L'ASSOCIATION
51. La loi du 21 mars 1884 constitue une avancée décisive dans le mouvement
de libéralisation de la défense des intérêts professionnels, car, selon les termes d'Ollivier,
tandis que « la coalition donne simplement plus de force à l'intérêt individuel
de chaque coalisé »174,l'association, elle, « crée un intérêt collectif, distinct de l'intérêt
des associés »175. La loi de 1884
marque une étape du recul de l'individualisme juridique et de l'affermissement
dans l'ordre juridique de l'idée selon laquelle la société n'est pas constituée
seulement d'unejuxtaposition d'individus mais aussi d'agrégats qui ont une
identité propre, de groupements possédant des droits176.
L'article 1er
La reconnaissance de la liberté syndicale s'opère d'abord de manière négative.
de la loi du 21 mars 1884 dispose que la loi Le Chapelier et l'article 416
du Code pénal issu de la loi du 25 mai 1864 sont abrogés177 et que « les articles 291,
292, 293, 294 du Code pénal et la loi du 10 avril 1834 ne sont pas applicables aux
syndicats professionnels ». L'abrogation expresse de la loi Le Chapelier est un
en droit français. Essai sur l'évolution d'une notion à usages multiples », Diritto romano attuale, juin 2006,
pp. 139-162.
170. V. K. CHATZILAOU, L'action collective des travailleurs et les libertés économiques. Essai sur une
rencontre dans les ordres juridiques nationaux et supranationaux, préf. A. LYON-CAEN, Institut Universitaire
Varenne, collection des thèses, 2016, pp. 81 et s.
171. Ch. DEMORILLON, Le droit de grève et le contrat de travail, thèse, Dijon, Imprimerie régionale,
1905, p. 2 : « La cessation collective du travail n'engendre dans les rapports du patron et de chacun des
ouvriers grévistes aucune conséquence autre que celles qu'entraîne le même fait émané d'un seul
ouvrier ».
172. V. K. CHATZILAOU, L'action collective des travailleurs et les libertés économiques. Essai sur une
rencontre dans les ordres juridiques nationaux et supranationaux, op. cit.,p. 87 et s.
173. Ch. DEMORILLON, Le droit de grève et le contrat de travail, op. cit., p. 14.
174. Rapport E. OLLIVIER sur la loi du 25 mai 1864, op. cit., p. 41.
175. Ibid.
176. F. BABINET, « Dit et non-dit du texte », in Convergences, Études offertes à Marcel David, Calligrammes
- Bernard Guillemot, pp. 19-41, sp. 36.
177. Il n'est pas anodin de constater la simultanéité de la reconnaissance de la liberté syndicale et de
l'abrogation des dispositions répressives relatives à la mise à l'index. Le syndicat professionnel, du fait de
son organisation permanente, semble le plus à même de mener à bien ce type d'actions collectives. En
particulier, le pouvoir disciplinaire dont il dispose sur ses membres mais aussi une capacité d'action renforcée
du fait de la détention d'un patrimoine sont autant d'atouts qui favorisent la réussite d'un « plan
concerté ». Le syndicat professionnel dispose en effet de moyens de pression sur l'individu qui restent
inaccessibles à un groupement temporaire d'individus.
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