Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e - 409

LE DROIT COMMERCIAL DU XIXE SIÈCLE

2) Le Code propose aux intéressés le choix entre quatre modèles de sociétés
commerciales, chacun bien défini. Eux-mêmes et le public connaissent ainsi la
nature des garanties fournies et la mesure suivant laquelle les associés engagent
leur responsabilité.
Les créanciers peuvent s'attaquer indéfiniment au capital social qui est le patrimoine de la société leur débitrice, mais leur gage ne se réduit pas nécessairement à
ce capital. Dans les SNC, ils auront en outre le droit de poursuivre chaque associé
sur sa fortune propre, indéfiniment et solidairement, choisissant le plus solvable des
associés pour lui réclamer le tout. Mais à côté, le Code a organisé la possibilité
pour l'associé de limiter sa responsabilité à son apport (commandite, SA).
3) Les sociétés de commerce sont conclues, en principe, comme la société civile
intuitu personae (en considération des personnes), ce qui suppose une amitié spécifique, l'affectio societatis. Ceci a pour résultat de rendre la part sociale incessible
et d'entraîner la dissolution par la mort d'un associé. Mais une dérogation existe à
l'égard des sociétés par actions qui ne pourraient autrement ni risquer des affaires à
long terme sous une telle épée de Damoclès, ni couvrir leur capital si l'actionnaire
devait tout au long de sa vie rester prisonnier de son titre. L'action devient une part
sociale transmissible aux héritiers, cessible entre vifs librement, elle prend un
caractère de valeur marchande ce qui d'ailleurs entraîne les abus de la
spéculation110.
812

Le Code - qui n'est que l'aboutissement de la lente évolution du droit français
des sociétés du XVIIIe siècle en face des nouveaux besoins économiques - propose
une gamme suffisamment variée de sociétés aux commerçants et aux investisseurs
du XIXe siècle. Ce n'est pas sur ce point d'ailleurs que se placeront les réclamations
et les nécessités d'une transformation. Les sociétés de personnes ne connaîtront que
des précisions de la part de la jurisprudence - leur système a-t-il tellement changé
depuis Napoléon en cette fin du XXe siècle ? C'est sur le contrôle de l'État sur les
sociétés de capitaux que se jouera le grand débat du XIXe siècle, comme nous allons
le voir dans les paragraphes suivants.
Il faut noter par ailleurs que le droit de l'époque reconnaissait comme objet civil
les canaux, les constructions immobilières et (loi de 1810) les mines. Même si les
sociétés destinées à les exploiter prenaient la forme de SA, il ne pouvait s'agir que
de sociétés civiles à forme commerciale. D'où des équivoques constantes. Elles
étaient soustraites à la compétence des tribunaux de commerce, elles ne pouvaient
être mises en faillite. Il faudra attendre la loi de 1893 (complétée par celle de 1919
pour les mines) pour trancher : « quel que soit leur objet, les sociétés en commandite par actions ou anonymes qui seront constituées dans les formes du Code du
commerce ou de la présente loi seront commerciales et soumises aux lois et usages
du commerce ».

■

110. Pour une mise en perspective historique, voir E. RICHARD, « Un exemple de l'application conjuguée
des articles 76 C. com. et 419 C. pén. à l'épreuve de la révolution industrielle : une véritable question de
susceptibilité », in RHDFE, 90/3, 2012, p. 421-450.

Troisième partie : Du Code de commerce de Napoléon aux débuts du XXe siècle

409

Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e

Table des matières de la publication Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e