Précis Domat - Droit des personnes - 2e - 152

DROIT DES PERSONNES
la vie privée ne se cantonne pas nécessairement aux lieux privés mais se déploie
aussi dans les lieux publics22
qui ne sont pas nécessairement déshonorants ou diffamatoires23
de droit civil, ne se résume pas à la vie personnelle (notamment du salarié)24
;l'atteinte à la vie privée est constituée par des faits
; la vie privée, notion
. Quant à
■ 22. Cela pose notamment le problème de la généralisation de la vidéosurveillance (ou vidéoprotection
selon la connotation, positive ou négative, que l'on veut faire prévaloir) dans les lieux publics comme dans
l'espace privé. Voir Cass. 1re
civ, 1er juillet 2010, nº 09-15065, Dalloz actualité, 22 juill. 2010, obs.
P. GUIOMARD. Il faut distinguer cette situation (la caméra avait en l'espèce été placée par le propriétaire
d'un immeuble sur une servitude de passage permettant l'accès à un autre immeuble) de celle d'une caméra
de vidéosurveillance installée dans un lieu public. En ce domaine, la Cour européenne des droits de
l'homme (CEDH, 28janvier 2003, Peck c/Royaume-Uni, requête nº 44647/98) relève que si la surveillance
des faits et gestes d'un individu dans un lieu public par un équipement photographique sans enregistrement
ne constitue pas une atteinte à sa vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de
l'homme, l'enregistrement de données, notamment systématique ou permanent, peut justifier une conclusion
contraire (en l'espèce, l'individu avait été filmé se tailladant les poignets et l'image avait divulguée
aux médias). Mais la même Cour ne condamne pas une législation qui permet aux employeurs de surveiller
par caméra que leurs employés ne volent pas : CEDH, 10 mai 2010, Köpke c/Allemagne, nº 420/07. Adde :
article L. 1121-1 du Code du travail (« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles
et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnées au but recherché ») ; article L. 1222-4 du même code (« Aucune information concernant
personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa
connaissance ») ; CEDH, 17 octobre 2019, nº 1874/13 et 8567/13, López Ribalda et autres c/Espagne (la
marge nationale d'appréciation n'a pas été outrepassée) ; Cass. soc. 8 mars 2023, nº 21-17802 (une cour
d'appel a pu juger que « la production des enregistrements litigieux n'était pas indispensable à l'exercice
du droit à la preuve de l'employeur, dès lors que celui-ci disposait d'un autre moyen de preuve qu'il n'avait
pas versé aux débats, peu important qu'elle ait ensuite estimé que la réalité de la faute reprochée à la salariée
n'était pas établie par les autres pièces produites »).
Sur la réglementation de la vidéoprotection en France, voir Code de la sécurité intérieure, art. L. 251-1 et s.
Sur la vidéosurveillance sur la voie publique et les droits de la personnalité dans le contexte de la recherche
des auteurs d'une infraction, voir Cass. crim., 11 décembre 2018, nº 18-82365, Cass. crim., 18juin 2019,
nº 18-86421, Cass. crim., 8 décembre 2020, nº 20-83885.
Sur la question des droits de la personnalité (en l'espèce du droit à l'image), non du contrôlé mais du
contrôleur (ici, un agent des douanes), voir Cass. com., 4janvier 2023, nº 19-21884 : « Il résulte de ces
textes [article 9 du Code de procédure civile et art. L. 238 du Livre des procédures fiscales] qu'afin d'apporter
la preuve contraire de faits constatés dans un procès-verbal dressé par des agents de l'administration
des douanes, un redevable de contributions indirectes est fondé à produire la captation de l'image d'un
agent de cette administration réalisée à partir d'un système de vidéosurveillance destiné à assurer la sécurité
de ses locaux, même si l'agent n'était pas informé de cette captation, sauf s'il est en est résulté une atteinte
aux droits de la personnalité de ce dernier disproportionnée au but recherché ».
■ 23. Il existe une grande différence, en effet, entre l'action fondée sur l'article 9 et l'action en diffamation
(infraction de presse). Ainsi, en matière droit à la vie privée, peu importe que l'information divulguée soit
vraie ou fausse.
■ 24. Chacun ayant droit au respect de sa vie privée (article 9 du Code civil), un salarié peut être victime
d'une atteinte à son droit au respect de la vie privée dans le contexte de la relation de travail (par ex. sur la
filature d'un salarié, V. Cass. soc. 26 novembre 2002, nº 00-42401, RTD civ. 2003, p. 58, obs. J. HAUSER ;
Dr. soc. 2003, p. 225, note J. SAVATIER ; D. 2003, p. 1858, note J.-M. BRUGUIÈRE ; D. 2003, p. 394, obs.
A. FABRE;et D. 2003, p. 1536, obs. A. LEPAGE ; JCP 2003. I. 150, nº 1, obs. B. TEYSSIÉ), ou encore la question
des courriels au bureau (Cass. soc., 2 octobre 2001, nº 99-42942, D. 2001. Jur. 3148, note
P.-Y. GAUTIER, 2002. Somm. 2296, obs. C. CARON, et 2001. Interview 3286, p. LANGLOIS ; RTD civ. 2002,
p. 72, obs. J. HAUSER : célèbre arrêt Nikon : « le salarié a droit, au temps et au lieu de travail, au respect de
l'intimité de sa vie privée ; (...) celle-ci implique en particulier le secret des correspondances »). Sur la
fouille clandestine des fichiers informatiques des salariés, voir Cass. soc., 17 mai 2005, D. 2005. IR.
1448, obs. CHEVRIER ; Dr. soc. 2005, p. 789, obs. J.-E. RAY ; JCP S 2005, p. 1031, note FAVENNEC-HÉRY ;
LPA 23 avril 2007, nº 81, p. 6, note TOURNAUX.
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