Précis Domat - Droit des personnes - 2e - 297

LA NATURE PERSONNIFIÉE ?
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En restant sur les mêmes registres, on peut contrer l'argumentation à trois
égards.
Tout d'abord, d'un point de vue politique, au-delà du discours consensuel sur
l'interdépendance de tous les êtres vivants, l'expérience montre que, parfois, la préservation
de la nature se fait au détriment des hommes. L'historien Guillaume
Blanc l'a bien montré à propos des parcs naturels africains dont ont souvent été
expulsés des hommes au nom de la préservation des ressources7
.
Ensuite, d'un point de vue juridique, sans même évoquer ici la question de la
représentation d'une entité inapte à exprimer sa volonté, qui se pose aussi pour les
personnes physiques, la proposition peut paraître inutile au regard de l'existence de
notions également protectrices, comme les biens communs8
ou le patrimoine commun
de l'humanité9
, sans doute plus à même de respecter les temps longs des écosystèmes
que menacent certaines activités humaines. Il est en effet pour le moins
curieux de penser que la personnalité juridique assure une continuité alors même
que, physiques ou morales, les personnes naissent, vivent et meurent. Elle serait
même susceptible de provoquer des effets pervers car l'élément personnifié pourrait
être tenu pour responsable : ainsi d'un fleuve qui déborderait de son lit et provoquerait
des dégâts. Elle pourrait enfin être arbitraire : quels seraient les éléments de
la nature qu'on personnifierait ? Tous ? Si non, lesquels et qui déciderait ?
Enfin, l'argument de la « bascule scientifique » ne tient guère : ce n'est pas
parce que les humains sont des êtres qui souffrent qu'on leur a reconnu la personnalité
juridique, sinon l'institution de l'esclavage n'aurait pas eu la vie aussi dure.
Et on accorde bien la personnalité juridique à des entités non souffrantes telles les
personnes morales. L'argument est en outre dangereux car il est réversible : quid si
la science nous montre que les nouveaux-nés ou les vieillards en fin de vie n'ont
pas d'intention ou ne souffrent pas ?
§2. LA PERSONNIFICATION DE LA NATURE EN DROIT
POSITIF
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La plus grande précaution s'impose ici car si la thèse de la
personnification de la nature suscite un indéniable engouement, techniquement,
les textes qui l'adoptent n'assimilent pas les droits de la nature à ceux des personnes
humaines. Ainsi, le Whanganui River Claims Settlement Act de 2017 énonce-til
que Te Awa Pua (nom maori du fleuve Whanganui qui coule en Nouvelle
Zélande) est une « personne juridique » avec les droits, devoirs et responsabilités
y afférents (art. 14 al. 1) et qu'elle est représentée par des personnes juridiques
humaines (Te Pou Tupua) (art. 14 al. 2 et art. 18 et s.)10
■ 7. G. BLANC. L'Invention du colonialisme vert : pour enfinir avec le mythe de l'Éden africain, Flammarion,
2020.
■ 8. Voir A. ZABALZA, « Paralogisme des droits de la nature et personnification des communs environnementaux
», Revue juridique de l'environnement, 2023/2, vol. 48, p. 427 et s.
■ 9. A.C. KISS, « La notion de patrimoine commun de l'humanité », Recueil des cours de l'Académie de
droit international, tome 175, 1982.
■ 10. Voir https://www.legislation.govt.nz/act/public/2017/0007/latest/whole.html#DLM6831461
Troisième partie : Corps sans personne
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. Il en va de même pour la

https://www.legislation.govt.nz/act/public/2017/0007/latest/whole.html#DLM6831461

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