Contextes - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 152

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DISCIPLINARISeR Le DRoIT PuBLIC

par exemple, selon un mode de raisonnement toujours semblable. Cette
conception du savoir juridique est marquée par l'unité, comme marque
de la formation du juriste et refus des séparations - ce qui ne veut pas dire
refus des classifications.
B. Cette conception du savoir juridique évolue progressivement à la fin
du xixe siècle. L'image des « entrailles du droit », régulièrement utilisée à la
fin du xixe siècle, décrit la tâche qui est désormais celle du discours savant :
saisir le droit dans sa réalité même, sans devoir recourir à la médiation du
droit romain ou du droit civil comme à un modèle valable pour tout le
droit ; elle exprime le refus de l'analogie comme principe unificateur du
droit. Dans l'enseignement, il ne s'agit plus d'apprendre à reproduire le
droit par des exercices d'argumentation, mais de transmettre un contenu
spécifique à chaque matière, dans un discours distinct du droit (au sens des
règles). Il faut désormais être capable non pas d'imiter le discours juridique,
mais d'analyser la spécificité des règles juridiques dans chaque champ du
droit. Ce point est particulièrement net dans l'effort des juristes pour organiser le plan des matières nouvellement créées, en se séparant à des degrés
divers de la référence au droit civil ou au droit romain26.
Cette transformation, amenant à s'intéresser au contenu spécifique de
chaque champ du droit, ne traduit pas seulement un « détachement » ou
une autonomisation, résultat d'une longue conquête des publicistes dans le
cas du droit public. elle traduit surtout l'effacement, le recul d'une conception unifiante du savoir juridique, qui donnait son importance à la forme
rhétorique et à la maîtrise de schèmes communs de pensée et d'énonciation.
L'éclatement et la division du travail ainsi produits rendent possible la
création de sections ou de matières à un niveau plus fin.
De plus, pendant le xixe siècle, la culture juridique des facultés était
apparue, selon une même conception unifiante des savoirs d'enseignement,
comme le prolongement de la culture secondaire, marquée par l'importance
du latin ou de la rhétorique, c'est-à-dire de la capacité à produire des textes.
La rupture est marquée à partir de la réforme du baccalauréat de 1902, qui
autorise l'accès de bacheliers non-latinistes aux études de droit, malgré

26. Pour l'emploi opposant les « entrailles du droit » à la recherche d'analogies communes
à tous ses champs, cf. T. Ducrocq, Cours de droit administratif contenant l'exposé et le
commentaire de la législation administrative dans son dernier état, l'analyse ou la reproduction des principaux textes dans un ordre méthodique, 2e éd., Paris, A. Durand, 1863 (1861),
p. x (reprise de la préface de 1861) ; M. Hauriou, « De la formation du droit administratif
français depuis l'an VIII », 2e partie, Revue générale d'administration, 1892, t. 45, p. 15-28
(p. 19). L'expression apparaît dans d'autres contextes, mais toujours pour insister sur la
spécificité irréductible à d'autres règles de l'objet d'étude juridique, cf. Larnaude parlant des
« entrailles mêmes du régime parlementaire [français] » (Bulletin de la société de législation
comparée, 1901, n° 4-5, p. 257). Cf. G. Richard, op. cit., p. 476-490.

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