Contextes - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 341

BeNoIT FRYDMAN

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Je l'ai même rencontré à plusieurs reprises et je le rencontre de plus en plus
souvent3. Plus souvent en anglais qu'en français, il est vrai. Les expressions
« global law » et « world law » ou « transnational law » sont aujourd'hui
monnaie courante, tant chez les juristes, que dans les milieux d'affaires
et les cénacles politiques mondiaux. Leurs équivalents français circulent
également, mais beaucoup plus discrètement. Dans les deux cas, leur usage
demeure à ce jour nettement moindre que les expressions « international
law » et « droit international », qui désignent les disciplines juridiques officielles du droit par-delà les frontières des États4.
Nous savons cependant que « droit international » est un néologisme
de l'ère contemporaine, que nous devons à l'esprit particulièrement créatif
de Jérémy Bentham5. Les termes en usage pour désigner la discipline
juridique étaient à l'époque le « droit des gens » (lat. ius gentium ; ang. law
of nations) que le « droit international » mettra un siècle à supplanter6.
Le changement de dénomination emportait à l'époque un véritable changement de définition et de philosophie. Défini comme « ius inter gentes »,
le droit international réduisait en effet drastiquement, par opposition au
droit de la nature et des gens, le nombre et la capacité des sujets de droit,
en considérant les États souverains comme seuls sujets actifs du droit pardelà les frontières et en confiant à l'autonomie de leurs volontés le pouvoir
d'en modifier les règles existantes ou d'en établir de nouvelles.
Les termes « droit mondial » ont fait leur apparition dans la doctrine
juridique précisément au moment où le terme « droit international » réussissait à s'imposer à la fin du xixe siècle. Déjà en 1888, ernst Zitelmann,
alors professeur de droit à Bonn, consacre un article à « La possibilité d'un
droit mondial » (Die Möglichkeit eines Weltrechts)7 et en 1923, Henri Levyullmann, le fondateur avec Henri Capitant de l'Institut de droit comparé
de la Faculté de droit de Paris, publie un ouvrage intitulé Vers le droit
3. Jusque et y compris dans le cadre du présent ouvrage sur les disciplines juridiques.
Voyez ainsi, outre la présente contribution, celle d'Horatia Muir Watt sur l'incidence des
objets globaux et celle de Daniel Jutras sur la déterritorialisation du droit.
4. Sur Google (requêtes effectuées le 20 janvier 2015), les requêtes « global law » donnent
533 000 résultats, « transnational law » 317 000, « world law » donnant 481 000 soit 1 300 000
au total, à comparer à 31 millions pour « international law ». en français : « droit global »
donne seulement 8 590 résultats et « droit transnational » 12 000, « droit mondial » donnant
13 000, soit un total de 33 590 contre 6,8 millions pour « droit international ».
5. Publié pour la première fois dans Principles of Moral and Legislation en 1789.
6. Si on prend comme critère de mesure le nombre d'ouvrages publiés qui contiennent
ces termes dans leur titre, le croisement des courbes ne s'effectue qu'en 1876 en français et
en 1890 en anglais. Recherche effectuée par le moyen de l'outil statistique Ngram Viewer
de Google, consulté en janvier 2015.
7. e. Zitelmann, « Die Möglichkeit eines Weltrechts », Allgemeine österreichische GerichtsZeitung, 39, 1888, p. 193-208.

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