Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 309

Les conflits entre normes d'ordres juridiques différents
est en réalité un contrôle de la directive). Or, la directive, objet réel du
contrôle, est soumise à deux normes fondamentales : elle puise sa validité
dans sa conformité au droit primaire mais, devant le juge national, doit
respecter la suprématie de la Constitution. La méthode adoptée par le
Conseil d'État va revenir à distribuer les situations entre celles qui seront
contrôlées au regard du droit primaire de l'Union européenne et celles qui
resteront soumises au seul droit constitutionnel, le clivage se faisant autour
de l'équivalence de protection. Concrètement, le juge doit comparer la protection
accordée par le principe constitutionnel prétendument atteint par
la directive et la protection accordée par le principe européen équivalent.
À protection égale, et du fait de cette équivalence de protection, le juge va
accepter de transférer le contrôle de constitutionnalité demandé vers le
droit de l'Union, selon des modalités connues87
. En revanche, en l'absence
de protection équivalente entre le niveau constitutionnel et le niveau primaire
du droit de l'Union, le contrôle de la directive sera maintenu sous
l'empire des dispositions constitutionnelles88
.
336. Primauté du droit de l'Union ou suprématie de la Constitution
? - Les interprètes de ces importantes décisions se divisent entre
ceux qui y voient la primauté du droit de l'Union et ceux qui y lisent la
suprématie du droit constitutionnel. La position partage les deux car elle
n'est ni l'un ni l'autre, pour ne pas aborder ce conflit sur un mode
hiérarchique89
. Tour à tour, à différentes étapes du raisonnement,
norme constitutionnelle et norme européenne vont être appliquées de
préférence. Le respect de la Constitution est sauf, puisque c'est en elle
et en elle seule que le juge trouve son pouvoir : en appliquant le droit de
l'Union, il se soumet aux seules prévisions de son constituant, qui le lui
ordonne à l'article 88-1 ; qui plus est, les droits fondamentaux dont la protection
est spécifique à la Constitution française seront préservés. Le respect
du droit de l'Union l'est également : lorsque deux normes de référence
sont en concurrence mais équivalentes, le droit de l'Union
bénéficie d'une priorité d'application90
.L'équilibre se noue donc progressivement,
juridictions constitutionnelles comme européenne s'accordant
autour d'une primauté européenne respectueuse des identités constitutionnelles
nationales91
, par un dialogue des juges souvent harmonieux,
parfois plus rugueux92
.
87. V. supra, nº 314.
88. Concluant à l'absence de protection équivalente des exigences constitutionnelles en matière de sécurité,
v. French Data Network, préc.
89. V.B.BONNET, ouvrage préc.
90. Priorité d'application également retenue par les Cours des autres États membres, v. Cahiers du Conseil
constitutionnel, nº 4, second semestre 1997.
91. Sur la notion d'identité constitutionnelle comme réponse au conflit entre ordres juridiques,
F.-X.MILLET, L'Union européenne et l'identité constitutionnelle de l'État membre,LGDJ, 2013 ;revenant sur
cette conciliation progressive, B. BONNET, « Les rapports entre droit constitutionnel et droit de l'Union européenne,
de l'art de l'accommodement raisonnable », titre VII, nº 2, avr. 2019.
92. Pour le durcissement du ton des juges français, v. les commentaires sous la décision Soc. Air France et
l'arrêt French Data Network préc.
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