Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 129

Les règles de répartition des pouvoirs

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Les avis sont également partagés à propos de l'hypothèse inverse, à savoir
celle d'un contrat de cession exclusive qui serait consenti pour une durée limitée.
Selon certains auteurs, le fait que la cession soit temporaire impliquerait qu'elle
n'altère pas véritablement le patrimoine du nu-propriétaire. C'est ainsi que Monsieur Caron explique que « lorsque la durée de la cession n'est pas très longue, il
faut considérer que l'usufruitier accomplit un simple acte d'administration »39,
sans distinguer selon que la cession est ou non exclusive. En ce sens, le seul fait
que la cession soit temporaire permettrait de qualifier l'acte d'administration.
Contre cette opinion, un auteur soutient cependant qu'une cession exclusive
porte nécessairement atteinte au patrimoine du nu-propriétaire, et ce quelle que
soit sa durée40. La raison en est, selon lui, que chaque année compte en la matière,
la durée du monopole d'exploitation des droits de propriété intellectuelle étant
nécessairement limitée. La cession exclusive d'un brevet, même temporaire,
constituerait donc toujours un acte de disposition. Semblant confirmer cette analyse, une décision du Tribunal de Grande Instance de Paris a d'ailleurs considéré
qu'une cession de droits télévisuels consentie pour une durée de quinze ans s'analysait en un acte de disposition41.
173.  Maintien de zones d'ombre - L'exemple des contrats de cession révèle
ainsi l'inefficacité de la distinction des actes d'administration et de disposition
dans l'usufruit des droits de propriété intellectuelle. Certes, des hypothèses
extrêmes telles qu'une cession exclusive sans limitation de durée ou une cession
non exclusive accordée pour une durée limitée sont aisément reconnaissables. La
première constitue sans doute un acte de disposition et est en ce sens interdite à
l'usufruitier42, quand la seconde lui est assurément permise en tant qu'acte d'administration. Cependant, les hypothèses intermédiaires sus-évoquées demeurent
insaisissables par cette distinction, ainsi qu'en témoignent les hésitations de la
doctrine et de la jurisprudence. Il en résulte une impossibilité de déterminer précisément les pouvoirs de l'usufruitier en la matière.
Un constat similaire peut être dressé en droit des sociétés.
b)	 En droit des sociétés
174.  Droit de vote - S'agissant de l'usufruit des droits sociaux, c'est à la question du droit de vote que la distinction des actes d'administration et de disposition
a d'abord été appliquée. De manière quasi-unanime43, les auteurs ont initialement
considéré cette prérogative comme constitutive d'un acte d'administration44 et l'ont
39. C. CARON, « Brèves observations sur l'usufruit en droit de la propriété intellectuelle »,
op. cit., p. 94. Dans le même sens, v. Ch. SIMLER, Droit d'auteur et droit commun des biens, préf. Ch.
Caron, Strasbourg, C.E.I.P.I., 2010.n° 477.
40. N.  KILGUS, L'usufruit des biens incorporels, thèse préc., n° 622.
41. TGI Paris, 2 juin 1988, RIDA 1989, n° 139, p. 194.
42. Sous réserve d'une interprétation différente de l'arrêt Goscinny précité.
43. Contra v. C. LYON-CAEN et L. RENAULT, Traité de droit commercial, t. II, 2e partie, Des
sociétés, 4e éd., 1908-1909, LGDJ, n° 845, p. 229-230 : « S'il n'y a pas de convention de vote entre les
parties (ce qui est le plus fréquent), le droit de vote doit être réservé à celui qui est propriétaite des
actions, à l'exception de l'usufruitier (...) » ; G. ANDRÉ, De l'usufruit des actions, thèse, Lausanne,
1930, p. 100.
44. C. HOUPIN et H. BOSVIEUX, Traité des sociétés civiles et commerciales, 5e  éd., t.  II,
n° 926, p. 268 : « Le fait d'assister et de prendre part aux assemblées générales d'actionnaires constitue
un acte d'administration, même lorsqu'il s'agit : 1° d'autoriser des actes de disposition, comme une
aliénation, un emprunt (...), 2° de modifier les statuts, proroger la société, la dissoudre (...) ».

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