Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 46

Lobbying et stratégies d'influences en France

« dîners de veuve »148 - pour en faire la base minimaliste de leur
organisation. Peu à peu, un « discours des « intérêts » et de
l'« organisation des professions », voire de « l'association » était
devenu audible tous bords confondus »149. Et après l'instauration
provisoire de la liberté d'association sous la Seconde République,
des avancées notables sont intervenues sous le Second Empire qui
leur ont permis de sortir de l'informel : la loi du 25 mai 1864
supprime le délit de coalition, ce qui rend possibles les ententes
momentanées afin d'obtenir une augmentation des salaires ; celle
du 24 juillet 1867 reconnaît les coopératives ouvrières. De plus, la
même année, le gouvernement tolère la formation de chambres
syndicales150 qui préfigurent la forme syndicat151 ; enfin la loi du
6 juin 1868 élargit le droit de réunion en autorisant les réunions
publiques152. Malgré l'affichage de son attachement aux principes
les plus traditionnels de la représentation, il reviendra finalement à
la IIIe République de reconnaître d'abord les syndicats d'ouvriers et de
patrons153, puis, ce que L. Duguit jugeait inéluctable sous la pression
sociale154 mais était régulièrement repoussé par les républicains en
raison de leur obsession du péril congréganiste155, les associations en
1901156. Elle donna ainsi aux intérêts collectifs les plus divers les
supports organisationnels qui leur faisaient jusqu'alors défaut pour
influencer efficacement les pouvoirs publics. Alors que sous l'effet
des logiques centralisatrices, l'État central concentrait toujours plus
de ressources normatives, financières et décisionnelles et devenait
ainsi le lieu géométrique de l'exercice de toute influence, liberté
syndicale et liberté d'association ont permis à une myriade
de groupes latents qui émergeaient sous les effets de l'industrialisation,
de l'intensification de la division du travail et de l'extension de
148. La finalité de cette socialité est d'obtenir des décisions politiques : A. VERJUS, « Une
informalité ordonnée. Les "dîners de veuve" du couple Morand de Jouffrey », in L. LE GALL,
M. OFFERLÉ, F. PLOUX (dir.), op. cit., p. 209 et s.
149. A. CHATRIOT, C. LEMERCIER, « Les corps intermédiaires », in V. DUCLERT, Ch. PROCHASSON (dir.),
op. cit., p. 693.
150. Les patrons étaient organisés en chambres syndicales depuis 1840 : A. CHATRIOT,
C. LEMERCIER, art. cit., p. 693.
151. F. SOUBIRAN-PAILLET, op. cit.
152. Elles sont soumises à déclaration préalable, signées par au moins sept personnes
responsables.
153. Loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels patronaux et ouvriers dite « loi
Waldeck-Rousseau ». Ils peuvent ester en justice, recevoir des cotisations et employer
les sommes qui en proviennent, acquérir les immeubles nécessaires à leurs réunions,
bibliothèques, cours d'instruction professionnelle.
154. Pour DUGUIT, « L'élection des sénateurs », RPP, Tome 5, 1895, p. 474-475.
155. P. ROSANVALLON, Le modèle..., op. cit., p. 17.
156. C. ANDRIEU, G. LE BEGUEC, D. TARTAKOWSKY (dir.), Associations et champ politique, Publications
de la Sorbonne, 2001.

46
Table des matières de la publication Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re
