Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 49

Le champ d'émergence économique et institutionnel

d'affaires ralliés à la République169. De ce fait « bon nombre de
présidents du conseil, de ministres, de secrétaires d'État et de
parlementaires » se retrouvent « à la charnière du monde politique
et des conseils d'administration », consacrant ainsi un mélange des
genres170 permanent. Les rapports étroits entre milieux politiques et
milieux d'affaires au sein de réseaux politico-financiers favorisent « la
généralisation du service rendu, la banalisation de la corruption, de
l'agiotage et du trafic d'influence », et le développement de l'affairisme,
porté par « les nouveaux parvenus de la politique » qui « ne sont pas
toujours indifférents à la perspective d'un enrichissement personnel »171.
Se produit alors, comme le montre Ph. Hamman, « une reconfiguration
des réseaux d'échange et de relations entre les univers entrepreneuriaux
et politique »172. Les patrons sont assez peu nombreux à la Chambre173
et les interventions « d'entrepreneurs individuels ou des groupes
réduits, syndicats bancaires, chambres de commerces, groupes de
pression circonstanciels » s'effectuent de façon différenciée par « des
rapports personnalisées, à travers l'exercice d'un mandat électoral,
en même temps que de relations familiales ou professionnelles »174.
La représentation directe du monde patronal dans les assemblées, au
gouvernement175 et dans les entourages ministériels176 est plutôt
assurée par des hommes d'affaires ou des personnes qui lui sont
étroitement liées177. L'opinion publique jouant un rôle accru dans le
169. J. GARRIGUES, Les scandales de la République, Nouveau Monde éditions, 2010, p. 43.
170. « Les groupes parlementaires du centre auxquels ils appartiennent pour la plupart
fournissent la majeure partie des ministres qui gouvernent la France dans les dix
premières années de la IIIe République » (Les scandales..., op. cit., p. 44). Il cite :
A. Pouyer-Quertier (filateur normand), L. Say (président des mines de Decazeville).
Eugène Caillaux (Vice président des chemins de fer P.L.M), Agénor Bardoux (président
de la Banque hypothécaire), EmileMarcère (président des mines de Béthune). Par la
suite « les réseaux politico financiers ne font que s'étendre ».
171. J. GARRIGUES, Les scandales..., op. cit., p. 45.
172. Art. cit., p. 49.
173. En 1871, ils ne sont que 85 sur 727, puis 46 en 1876 et en moyenne une cinquantaine :
Ph. HAMMAN, art. cit., p. 50 ; M. DOGAN, « Les filières de la carrière politique en France »,
RFS, 8, 1967.
174. Art. cit., p. 49.
175. Les travaux publics furent bien représentés par L. Loucheur, fondateur de la société Giros
et Loucheur en 1899, qui fut élu député du Nord et régulièrement ministre jusqu'à son
décès en 1931 : S. D. CARLS, Louis Loucheur 1872-1931, Presses du Septentrion, 2000 ; sur
sa politique : M.-H. BACQUÉ, C. CARRIOU, « Participation et politiques du logement en
France », in M.-H. Bacqué, Y. SINTOMER (dir.), La démocratie participative. Histoire et
généalogie, La Découverte, 2011, p. 161 et s.
176. Pour des missions d'audit (R. Dautry [secteur du rail] ou d'expertise [J. Coutrot au
ministre de l'économie en 1936-1937]) : Ph. HAMMAN, art. cit., p. 55.
177. Pour des exemples de liaisons familiales entre les dynasties des maîtres de forges et
des élus de la Troisième République : Ph. HAMMAN, art. cit. p. 51 ; sur la formation au
e
XVIII siècle de grandes dynasties commerciales et industrielles qui se sont maintenues
par la suite : G. RICHARD, La noblesse d'affaires au XVIIIe siècle, A. Colin, 1997.

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