Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e - 155

B - EN PRÉSENCE D'INVESTIGATIONS COMPLÈTES
Si plus aucune investigation n'apparaît nécessaire, à l'issue de la mesure de garde à vue, il convient de
faire application des dispositions de l'article 31 du Code de procédure pénale selon lesquelles le ministère
public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi. Dans cette perspective, l'article 40-1 du
Code de procédure pénale précise que le procureur de la République décide, lorsqu'il estime que les faits
qui ont été portés à sa connaissance constituent une infraction pour laquelle aucune disposition légale
ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, s'il est opportun de classer sans suite la
procédure, dès lors que les circonstances le justifient, de mettre en œuvre une procédure alternative aux
poursuites, en application des dispositions des articles 41-1 et suivants du même Code, ou d'engager des
poursuites. Le procureur de la République prend, notamment, en compte la gravité des faits et du préjudice,
la personnalité de l'auteur ainsi que son positionnement et le retentissement des faits sur l'ordre public.
Le ministère public est également tenu par les conditions légales d'application des différentes orientations
procédurales offertes, telles que l'interdiction des médiations pénales en matière de violences conjugales
(CPP, art. 41-1, 5°) ou l'impossibilité de réaliser une composition pénale en présence d'un délit puni d'une
peine d'emprisonnement excédant cinq ans (CPP, art. 41-2).
En l'espèce, le procureur de la République exclura nécessairement le classement sans suite et les alternatives
aux poursuites en raison, pour les faits subis par Caroline, de la nature et de la gravité de ces faits ainsi
que de leur répercussion pour la plaignante et, pour les faits de « voyeurisme », de leur répétition sur
une longue période. En outre, il n'est pas envisageable de recourir à une comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité, sans ou avec défèrement, à défaut de mention dans l'énoncé d'une reconnaissance
de culpabilité par les mis en cause (CPP, art. 495-7 et s.). La nécessité de mettre en œuvre une mesure
de sûreté, en particulier pour éviter toute réitération des faits, imposera, par ailleurs, au procureur de
la République d'écarter la convocation par officier de police judiciaire ou la citation devant le tribunal
correctionnel qui ne permettent pas le recours à de telles mesures de sûreté.
Aussi, il restera au ministère public la possibilité de faire déférer nos deux protagonistes en vue d'une
convocation par procès-verbal (CPP, art. 394) ou d'une audience de comparution immédiate (CPP, art. 395
et s.). En cas de convocation par procès-verbal, la personne est convoquée pour être jugée dans un délai
allant de dix jours à six mois. Dans l'intervalle, le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour que
soit décidé, à l'égard du prévenu, un placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence sous
surveillance électronique. En cas de comparution immédiate, outre ces mesures de sûreté, peut également
être requis un placement en détention provisoire en cas d'impossibilité pour le tribunal correctionnel de
se réunir le jour même (CPP, art. 396) ou en cas de renvoi (CPP, art. 397-3). En l'espèce, conformément à
ce qui a été développé plus haut, le placement sous contrôle judiciaire des mis en cause apparaît suffisant,
avec les mêmes interdictions et obligations que celles précédemment évoquées, de sorte que le recours à
une convocation par procès-verbal est à privilégier.
Notons qu'à côté des prérogatives dont dispose le ministère public, les plaignantes, en tant que victimes
directes et personnelles, peuvent exercer l'action civile devant les juridictions répressives aux fins d'obtenir
indemnisation de leurs préjudices (CPP, art. 2). Cette action civile peut s'exercer par voie d'intervention, à
la suite des poursuites pénales initialement exercées par le ministère public, ou par voie d'action. Dans ce
dernier cas, l'exercice de l'action civile devant le juge répressif a pour effet de déclencher l'action publique.
S'agissant des préjudices subis par Juliette, qui est mineure, l'action civile ne peut être exercée que par son
représentant légal, sachant que l'énoncé évoque la présence de sa mère pendant son audition par les services
enquêteurs. Sa mère peut également se constituer partie civile sur le fondement de ses propres préjudices,
en particulier le préjudice moral consistant à voir sa fille souffrir des conséquences de l'infraction pénale
dont elle a été victime (Cass. crim., 9 févr. 1989 n° 87-81359 et 26 févr. 2020, n° 19-82119).
155
ANNALES CONCOURS 2022
Droit pénal
et procédure pénale

Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e

Table des matières de la publication Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e