Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e - 35

ANNALES CONCOURS 2023
Droit pénal
et procédure pénale
DROIT
PÉNAL ET
PROCÉDURE
PÉNALE
DISSERTATION : LE JUGEMENT
DES INFRACTIONS CRIMINELLES
OBÉIT-IL À UN RÉGIME SPÉCIFIQUE ?
(1er
CONCOURS)
« Heureuses sont les nations chez qui la connaissance des lois ne serait pas une science ! C'est une loi bien sage
et dont les effets sont toujours heureux que celle qui prescrit que chacun soit jugé par ses pairs ; car lorsqu'il
s'agit de la fortune et de la liberté d'un citoyen, tous les sentiments qu'inspire l'inégalité doivent se taire »
(Beccaria, Des délits et des peines, § XIV, 1764). Cet éloge du jugement par un jury populaire préfigurait la
loi des 16 et 24 août 1790, sur l'organisation judiciaire, ayant institué la « procédure par jurés » en matière
criminelle, mise en œuvre par la loi des 16-29 septembre 1791, sur la police de sûreté, la justice criminelle
et l'établissement des jurés, ayant créé le tribunal criminel départemental, ancêtre de la cour d'assises.
La participation directe du peuple à la justice constitue ainsi, depuis la Révolution française, la spécificité
majeure de la procédure de jugement des infractions criminelles. Cette « procédure par jurés », héritière
de l'Héliée athénienne et inspirée de la procédure accusatoire anglaise, consistant en une réappropriation
de la fonction de juger par la société civile, était alors destinée à mettre un terme à l'arbitraire des juges
de l'Ancien régime. En effet, comme l'avait exposé Robespierre, lors des débats au sein de la Constituante
relatifs à l'organisation judiciaire et à l'établissement des jurés, le caractère essentiel de l'institution des
jurés « c'est que les citoyens soient jugés par leurs pairs ; son objet est que les citoyens soient jugés avec plus
de justice et d'impartialité ; que leurs droits soient à l'abri des coups du despotisme judiciaire » (Robespierre,
Archives parlementaires, tome XII, 7 avril 1790, p. 574).
La volonté de mise en place d'un tel contre-pouvoir, face aux prérogatives des magistrats professionnels,
s'est manifestée au-delà de la matière criminelle. Ainsi, la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 a introduit
des « citoyens assesseurs », désignés par le sort, au sein des formations collégiales des juridictions
correctionnelles et des juridictions d'application des peines afin, selon l'exposé de ses motifs, de « renforcer
le lien devant exister entre la population et l'institution judiciaire » et de démontrer que « la justice pénale est
rendue au nom du peuple français ». L'un des rapporteurs de ce texte avait alors expliqué que cette réforme
« constituera une réelle révolution culturelle pour le monde judiciaire ainsi soumis à un contrôle citoyen direct
dont il n'avait jusqu'ici guère l'habitude » (S. Huyghe, rapport n° 3532 fait au nom de la commission des
lois de l'Assemblée nationale, p. 22). Néanmoins, l'extension de la « justice pénale citoyenne », qui était
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