Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e - 251

B - UNE PRODUCTION JURIDIQUE EMPREINTE DU SCEAU DE LA LAÏCITÉ
Les actes juridiques de l'administration doivent respecter le principe de laïcité, ce qui inclut d'une part une
liberté de l'administration à l'égard du phénomène religieux, d'autre part une égalité de traitement des
cultes par l'administration.
L'administration est tout d'abord libre de ses expressions religieuses et à ce titre, elle est libre de déterminer
les programmes scolaires, d'aborder des thèmes qui peuvent heurter les convictions religieuses de chacun.
L'affaire Samuel Paty est venue tristement illustrer les difficultés concrètes de ce principe. Mais, en droit, la
liberté d'expression de l'administration s'impose sous les seules restrictions qui sont liées à l'ordre public
ou au respect des droits d'autrui (injure à raison des convictions religieuses, diffamation, loi du 29 juillet
1881). Le droit français n'incrimine plus, même en Alsace-Moselle, le blasphème (C. pén., ancien art. 166).
L'administration doit par ailleurs assurer une égalité de traitement entre les cultes. À ce titre, les cultes,
mêmes moins traditionnels, doivent pouvoir bénéficier d'une égalité de traitement. Un culte comme les
témoins de Jéhovah, la scientologie ne saurait ainsi être moins bien traité que le culte catholique. Par
exemple, l'administration ne saurait refuser l'accès d'un aumônier d'un de ces cultes aux prisons au simple
motif que ce culte serait plusieurs fois visé dans une enquête de la MIVILUDES (CE, 16 octobre 2013).
Question 2 : Dans quelle mesure l'urgence peut-elle restreindre les libertés publiques ?
De manière assez symbolique, l'ancien premier ministre E. Phillipe avait été amené à déclarer devant la
représentation nationale le 28 mai 2020, à l'occasion de la sortie de la première phase de confinement,
que désormais « la liberté sera désormais la règle et la restriction l'exception », reprenant ainsi la célèbre
formule du commissaire du gouvernement Corneille (CE, 1917, Baldy).
L'urgence renvoie à l'empressement, à ce qui doit être accompli promptement. Le droit public appréhende
l'urgence de manière diverse. Ainsi, en cas d'exception d'urgence (théorie jurisprudentielle) la nonobservation
d'une demande d'avis (CE, sect., 1976, SGEN) ou encore le non-respect d'une mise en demeure
préalable (CE, sect., 1982, Pérez) n'entraîne pas l'annulation d'une décision administrative dont l'édiction
est rendue nécessaire par l'urgence. On relèvera également l'urgence dite « absolue », d'origine législative,
qui dispense l'administration de son obligation de motivation des actes administratifs. C'est encore l'urgence
qui conditionne l'exécution forcée des décisions administratives.
Cette adaptation de la légalité rend compte d'un souci de pragmatisme du juge face aux difficultés de
l'action administrative et est à ce titre une solution ancienne, aussi dans la jurisprudence que la loi.
C'est pourtant à un renouvellement de la légalité dite de crise auquel nous assistons aujourd'hui, légalité
qui emprunte, elle aussi, au vocabulaire de l'urgence.
Ce renouvellement est guidé par la nécessité de doter le pouvoir exécutif de dispositifs les plus adaptés
afin de remplir ces missions, principalement le respect des objectifs de valeur constitutionnelle de sécurité
publique et désormais de santé publique.
Face à cette multiplication le risque d'une « démesure » dans l'atteinte aux libertés constitue un risque pour
l'État de droit. C'est la raison pour laquelle le rôle du juge, lato sensu, est particulièrement important.
Il est ainsi possible de relever que la restriction de liberté est inhérente à la situation d'urgence, cette
restriction étant nécessaire au maintien de l'ordre public, elle offre aux autorités de police et au pouvoir
exécutif un arsenal qui s'est diversifié (I), néanmoins ces restrictions demeurent contrôlées par le juge qui
assure ainsi la conciliation entre la protection de l'ordre public et les protections des libertés (II).
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