Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e - 66

Ce que recouvre la dignité de la personne humaine ne renvoie pas pour autant à un ensemble de valeurs
partagées. Contrairement à l'universalité à laquelle elle prétend, le respect de cette notion peut entraîner
d'importantes distorsions. En témoigne le suicide assisté, qui ne fait absolument pas consensus au regard
de la notion de dignité de la personne humaine. La Cour européenne des droits de l'Homme s'est fait l'écho
de ces divisions et accorde une grande latitude aux États membres sur la possibilité de prévoir ou non une
procédure en la matière. Ainsi, si la Convention en elle-même ne confère aucun droit à mourir (CEDH, 29
avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni), le droit au suicide est néanmoins permis à condition d'être strictement
encadré par la loi (CEDH, 14 mai 2003, Gross c/ Suisse).
B - LE RESPECT DE LA DIGNITÉ DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ
Les conditions jugées indignes de détention dans les prisons françaises ont mis en lumière la nécessité de
décliner le principe de respect de la dignité de la personne humaine lorsqu'elle est détenue. Celle-ci s'est
faite à travers une lecture particulièrement constructive du juge.
Ainsi, pour une illustration récente, par une décision du 30 janvier 2020, J. M. B. et autres c/ France, la Cour
européenne a condamné la France pour violation de l'article 3 de la Convention. Elle a en effet considéré
que les conditions de détention dans plusieurs centres étaient constitutives de traitements dégradants
(notamment du fait de la surpopulation carcérale et de l'insalubrité des locaux). La Cour a également
condamné la France pour méconnaissance de l'article 13 de la Convention (droit à un recours effectif), au
motif que les référés liberté et mesures utiles ne permettaient pas de faire cesser les atteintes aux droits
fondamentaux des détenus.
À la suite de la décision de la Cour européenne, la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d'une
question prioritaire de constitutionnalité quant à l'absence de recours devant le juge judiciaire pour faire
cesser des conditions dégradantes de détention (déc. 8 juill. 2020). Le Conseil constitutionnel a jugé que
les dispositions du Code de procédure pénale (art. 144-1) étaient contraires au principe de sauvegarde de
la dignité humaine dès lors qu'elles ne permettent pas au justiciable d'obtenir qu'il soit mis fin aux atteintes
à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire (Cons. const., 2 oct. 2020, Geoffrey F.).
La loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention a par conséquent
créé un dispositif permettant aux détenus de saisir le juge judiciaire en vue de mettre fin à ses conditions
de détention indignes. S'il estime la demande fondée, le juge des libertés et de la détention (en cas de
détention provisoire) ou le juge de l'application des peines (en cas de condamnation) peut ordonner le
transfèrement du détenu, sa remise en liberté immédiate ou un aménagement de sa peine.
S'agissant du juge administratif, il pourra d'abord être relevé que le respect de la dignité de la personne
humaine a d'abord été favorisé par une diminution de la sphère des mesures d'ordre intérieur qui a permis
de reconnaître la recevabilité de requêtes dirigées contre certaines mesures, compte tenu de leur nature et
de leur importance sur la situation du détenu ce qui peut inclure le respect de sa dignité (ex : s'agissant des
fouilles corporelles : CE, 14 nov. 2008, M. Philippe Mahmoud E. S.).
Plus spécifiquement, la responsabilité de l'État peut être engagée pour faute simple en cas de méconnaissance
des dispositions de l'article L. 6 du Code pénitentiaire imposant à l'administration pénitentiaire de garantir
à toute personne détenue le respect de sa dignité (CE, 6 déc. 2013, Thévenot). En outre, le juge administratif
continue d'être régulièrement saisi par la voie du référé liberté (CJA, art. L. 521-2) et du référé mesures
utiles (CJA, art. L. 521-3) afin d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de procéder à des travaux
d'amélioration des conditions matérielles de détention. Des injonctions similaires ont été prises par le juge
administratif pour améliorer les conditions dans les centres de rétention administrative.
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Droit public
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