Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers - 290

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LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE CRÉANCIERS
§ 2. UN RÉGIME jUSTIFIÉ
PAR LA MISSION D'INTÉRÊT GÉNÉRAL DE L'ÉTAT
440. Le régime spécifique attribué au Trésor public dans la procédure collective
découle de la mission d'intérêt général poursuivie par l'État295
. Le recouvrement
des créances fiscales est un enjeu capital pour l'État qui doit financer les
services publics dont il a la charge. De ce point de vue, nous ne pouvons qu'adopter
l'argument de Pothier qui relevait qu'« il est de l'intérêt de tous et de chacun que
le fisc soit le plus riche possible pour soutenir les charges de l'État »296
. D'autres
arguments ont été mis en avant afin de justifier le traitement privilégié du Trésor
en procédure collective. La relation entretenue avec le débiteur ne résulte pas
d'une volonté contractuelle, car celui-ci lui est imposé. Par conséquent, il ne peut
avoir de responsabilité dans les difficultés de son contribuable et doit faire l'objet
d'un régime plus souple lors de la procédure collective297
. Cependant, la situation
du Trésor est comparable à celle du créancier de dommages-intérêts alloués en
vertu d'une responsabilité délictuelle. Dans cette hypothèse, la victime, pas plus
que le Trésor, n'aura choisi d'être créancière ni la personne du débiteur. La justification
est donc peu convaincante.
441. Le régime privilégié applicable au Trésor n'est pas sans contrepartie. Le
Code général des impôts, ainsi que le Code de la sécurité sociale, prévoient la
remise des pénalités, des majorations de retard et des frais de poursuite dus pour
certaines taxes et impôts en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de
redressement ou de liquidation judiciaires. Le régime favorable est donc compensé
par un abandon d'une partie de la créance due par le débiteur. La solution est
justifiée au regard du montant généralement élevé des créances fiscales. En effet,
le Trésor public concentre la majorité du passif puisque la fiscalité découle de
chaque acte de gestion ou de décision d'une entreprise. Or, ces créances sont la
plupart du temps les premières impayées en cas de difficulté, elles génèrent alors
des pénalités et des majorations conséquentes qui alourdissent davantage le passif.
L'abandon de certaines créances peut ainsi participer au redressement de l'activité,
puisque le passif à apurer sera moins important.
442. Mais, au regard du taux de recouvrement de la créance dans le cadre
d'une procédure collective, il est possible de s'interroger sur la pertinence d'un tel
295. L. Andreu, V. Leloup-Thomas, « L'efficacité des sûretés réelles des créanciers publics »,
RPC 2019-4, dossier 34, spéc. n° 1. De même, Madame Delphine Ronet-Yague justifie également le
régime privilégié des créances de sécurité sociale au regard de la mission de service public des
organismes de sécurité sociale. Ainsi, « l'articulation du droit des entreprises en difficulté et du droit de
la sécurité sociale ne peut a priori s'affranchir des caractéristiques de ce dernier. La mission de service
public des organismes de sécurité sociale suppose (...) un recouvrement optimal tendant à l'équilibre
financier des régimes de base. Il s'agit d'assurer l'efficacité d'une partie de la solidarité nationale. »
Toutefois, l'auteur déplore le fait que les créances de sécurité sociale soient aujourd'hui traitées comme
les autres créances et ne bénéficient pas d'un régime favorable en procédure collective qui optimiserait
les chances de recouvrement de ses créances. Or, le paiement des charges sociales est essentiel à la
mission de service public assurée par les organismes sociaux, ils devraient donc faire l'objet d'un
traitement privilégié. (D. Ronet-Yague, Les créances de sécurité sociale et l'entreprise en difficulté.
Vers la contribution des organismes percepteurs au soutien de l'activité économique, Préf. A. Bugada,
PUAM, 2012, spéc. n° 13)
296. Cité par P. Serlooten, « Le Trésor, créancier de l'entreprise », in La situation des créanciers
d'une entreprise en difficulté, Montchrestien, 1998, p. 105
297. Ibid.
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