Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 175

LA REPRÉSENTATION DE L'ACCORD COLLECTIF DE TRAVAIL COMME ACTE
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Le développement de la politique contractuelle - pour reprendre l'expression
consacrée alors - en matière de production de la norme en droit du travail,
les mutations relatives à la fonction de l'accord collectif, ont troublé la représentation
réglementaire qui dominait jusqu'alors. L'on a pu constater l'émergence
d'un traitement distinct réservé à certains accords, auxquels les juges ont
reconnu une part contractuelle prépondérante, qui appelait une posture spécifique
du juge. Ces accords faisaient encore figure d'exception et venaient troubler
la représentation consacrée de l'accord collectif, sans encore l'ébranler. Ces
troubles constituaient les prémisses d'un bouleversement bien plus global qui
allait frapper la représentation de l'accord collectif de travail et nécessiter de
transcender le clivage contrat/règlement.
L'évolution de la représentation de l'accord collectif témoigne de la pleine
reconnaissance du renforcement de la force normative de celui-ci. L'analyse de la
jurisprudence permet de dresser un constat manifeste : le juge s'attache à donner
toute sa force à l'accord collectif de travail, et la reconnaissance de cette force
prend de nouvelles dimensions. Nous l'avons montré, depuis plus d'un demisiècle,
la jurisprudence consacre la force normative de l'accord collectif, dans ses
différentes dimensions (effet erga omnes et impérativité). La consécration de la
force de l'accord collectif dépasse aujourd'hui ces dimensions. Comment cela se
manifeste-t-il ? Ce que l'on constate, de façon générale, c'est que le juge reconnaît
une légitimité renforcée à l'accord collectif, ce qui rejaillit sur la représentation de
l'accord elle-même. Le juge prend acte de ce que les partenaires sociaux disposent
d'une légitimité renforcée dans la création de la norme collective, légitimité qui
va, in fine, se répercuter sur l'accord collectif lui-même. La consécration de la
force de l'accord collectif résulte en réalité de son origine, c'est-à-dire de son
caractère négocié par des partenaires sociaux dont la légitimité est elle-même
consacrée. Les juges n'appréhendent plus la nature de l'accord collectif comme
composé d'une part contractuelle et une part réglementaire totalement perméables.
Cette conception est dépassée.
Ces déplacements relatifs à l'appréhension judiciaire de l'accord collectif de
travail procèdent d'une centralité conférée à l'accord collectif dans les sources de
droit du travail. La légitimité des conventions et accords collectifs s'est vue renforcée
par les lois du 4 mai 2004 et 20 août 2008, avec l'institution comme condition
de conclusion du système de majorité négative, ainsi que par l'objet de la loi du
20 août 2008 dans son volet portant rénovation de la démocratie sociale, qui était
de faire reposer la représentativité syndicale, et partant l'aptitude des syndicats à
négocier des accords collectifs, sur l'audience électorale acquise lors des dernières
élections professionnelles. La loi du 8 août 2016 a « tout à la fois posé pour l'avenir
la règle de l'accord majoritaire pour la conclusion des accords collectifs et par
ailleurs amplifié la place de la norme conventionnelle parmi les sources du droit
du travail, en en faisant le pivot d'une refondation du droit du travail ». La réforme
initiée par les ordonnances du 22 septembre 2017 a poursuivi le mouvement, en
promouvant l'adaptabilité de la norme par le renforcement significatif de la négociation
collective. Les ordonnances ont poursuivi la dynamique de la décentralisation
de la régulation des rapports de travail vers l'entreprise, avec comme support
l'accord collectif d'entreprise. La primauté de l'accord d'entreprise devint le
principe. Et la généralisation de l'accord majoritaire fut avancée par les ordonnances
au 1er
mai 2018.

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