Hors collection - Droit de la « guerre atypique » - 109

Les figures du droit de la guerre atypique
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de marchés nouveaux, des narratifs ampoulés, via des stratégies diplomatiques et
des ambassadeurs devenus des agents commerciaux efficaces ou des provocateurs
disruptifs. Le paradoxe contemporain tient à ce que cette évolution d'enrichissement
« national » se déroule dans un contexte de « mondialisation » où la fabrication
de tout produit peut être délocalisée, les sources d'approvisionnement éloignées,
les champions nationaux invoqués pouvant être en réalité des multinationales
dont le rattachement à un État est essentiellement historique sinon d'opportunisme
fiscal. Les enjeux militaires sous- jacents ne sont pas absents, mais au- delà
des hypothèses d'aventures nationalistes, ils sont corrélés à ces nouveaux enjeux,
soit en termes de préservation des sources et routes des flux de marchandises, soit
en termes de cybersécurité, soit encore en termes politiques où s'adjoignent les
logiques politiques, environnementales, humanitaires, etc. Les « routes de la soie »
chinoises par exemple constituent un projet global où comptent moins les routes
elles- mêmes que l'adhésion à des modèles de règles de droit chinois, des arbitrages
fondés sur la compétence d'un centre d'arbitrage chinois, devenu subitement
acceptable en Chine, etc.
S'ajoutent des facteurs diffus, comme la promotion d'une concurrence « libre
et non faussée » selon la conception ordolibérale majoritairement partagée au sein
de l'Union européenne, en mesure d'être ébranlée, depuis les accommodements
validés durant la crise du Covid-19 par exemple5
et qui sont réitérés à l'occasion
des réactions à l'inflation née de la guerre en Ukraine, en réponse à l'Inflation
Reduction Act américain. La saine concurrence, le « doux commerce », a fait place
à la compétition la plus brutale, des subventions et autres aides d'État validant un
protectionnisme complexe, aux agressions disruptives d'entreprises géantes dont
l'objectif est clairement de détruire un ensemble de concurrents pour prendre leur
place, sous couvert de termes aimables comme la « promotion de l'innovation »
ou « l'économie collaborative ». Des initiatives comme Uber, Amazon, Netflix ou
Airbnb par exemple, ou Alibaba, de l'autre côté du globe, sont apparues brusquement
en se présentant sous des jours très sympathiques et acceptables mais
avec l'objectif sous- jacent de prendre la place des concurrents qu'ils attaquent
frontalement, taxis, salles de cinéma, hôtels ou magasins de libre- service, et ce en
moins de temps qu'il n'en fallait pour même le percevoir, où il fallait autrefois
parfois, sinon plusieurs générations, du moins un temps long pour bâtir un empire
industriel ou commercial, le tout sur fond d'ignorance globale de toute idée de
5. M. Cayot et D. Mainguy, « Le droit de la concurrence versus la crise sanitaire », in B. Receveur et
M. Rakotovahiny (dir.), Entreprises versus Covid : Quelles mesures et quelles conséquences juridiques consécutives
à la crise sanitaire, JCP E 2022, 1203. Si les règles du droit de la concurrence, pilier des politiques
européennes, ont été maintenues, de lourds accommodements ont été validés, notamment des aides
d'État aux entreprises ou aux consommateurs.
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