Mémentos - Principes fondamentaux de droit constitutionnel - 16e - 63

CHAPITRE 2 - La source du pouvoir étatique : la Souveraineté
63
A - De l'expérimentation successive des théories
à leur combinaison
74. Ayant été précisément inventée pour reprendre au Roi son pouvoir absolu, en le
partageant avec un Parlement, la théorie de la souveraineté nationale a prévalu, dans
un premier temps, après la Révolution. Elle fut d'abord consacrée par l'Assemblée
constituante issue des états généraux, qui adopta, le 26 août 1789, la Déclaration des
droits de l'Homme et du citoyen, dont l'article 3 prévoit que « le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la Nation ». Ce principe est confirmé par la
Constitution de 1791, dont l'article 1er
dispose : « la souveraineté est une, indivisible,
inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ».
75. La souveraineté nationale fut ensuite périodiquement remise en cause, du fait :
- de l'expérimentation de la souveraineté populaire : la Constitution montagnarde
de 1793 s'inspirait directement des idées de Rousseau, et consacrait le principe selon
lequel « le peuple souverain est l'universalité des citoyens français ». Mais elle ne fut
pas appliquée. La souveraineté populaire fut reprise en 1795 par la Constitution de
l'An III, puis en 1848 par la Constitution de la IIe
République. En 1946, les constituants
tentèrent de la faire revivre dans le cadre d'un premier projet de Constitution,
calqué sur celui de 1793, qui fut finalement rejeté par référendum.
Remarque : la mise en œuvre de cette théorie, postulant le pouvoir absolu du peuple,
peut conduire à une forme de despotisme, la dictature d'un parti unique étant exercée
au nom du peuple souverain (v. dérive du régime conventionnel vers la terreur en 1793,
dictature du prolétariat en ex-Union soviétique, ou du parti communiste en République
populaire de Chine) ;
- du retour à la souveraineté royale sous la Restauration : Louis XVIII parvint à
ressusciter, dans la Charte constitutionnelle de 1814, cette conception issue de la
monarchie d'Ancien Régime, son frère Charles X se faisant même sacrer « Roi
de France » en la cathédrale de Reims en 1825, après son accession au trône. Au
contraire, Louis-Philippe, issu de la branche cousine des Orléans, restaure la souveraineté
nationale dans le cadre de la Charte de 1830, et accède au trône en tant
que représentant de la nation, sous la dénomination symbolique de « Roi des Français
» ; de la dérive vers la « souveraineté impériale », conséquence de la confiscation,
par l'empereur Napoléon Ier
(1804), puis par son neveu Napoléon III (1852) de
la souveraineté nationale au profit de l'affermissement de leurs régimes autoritaires.
76. La souveraineté nationale, provisoirement réapparue entre 1830 et 1848, s'est
réinstallée sous la IIIe
suffrage universel. Elle persiste depuis lors, trouvant un support dans la Déclaration
des droits de 1789, dont la valeur constitutionnelle a été consacrée, et dans le texte
des Constitutions de 1946 et 1958, où elle est cependant combinée à la souveraineté
populaire.
En effet, en 1946, les constituants évitèrent de choisir entre les droits de la nation et
ceux du peuple en mélangeant les deux théories :l'article 3 de la Constitution
prévoyait que « la souveraineté nationale appartient au peuple français ». Pourtant,
sous la IVe
République comme sous la IIIe
République, où elle fut associée, pour la première fois, au
République, la souveraineté nationale est
Mémentos - Principes fondamentaux de droit constitutionnel - 16e

Table des matières de la publication Mémentos - Principes fondamentaux de droit constitutionnel - 16e
