Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 272

258

LES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF AU XVIIIe SIÈCLE

rappelle l'objet « [...] est un livre dans lequel un bon ménager, ou un bon marchand, écrit tout ce qu'il reçoit & dépense, pour se rendre compte & raison à
lui-même de toutes ses affaires14 [...] » Dans le même esprit, il y a des carnets
d'échéance15. On y trouve aussi de « petits livres dont Couchot souligne tout
l'intérêt : « Le marchand en détail, qui ne fait que son commerce qu'à Paris, &
qui a de l'ordre dans ses affaires, a autant de petits livres qu'il y a de marchands
en gros avec lesquels il négocie journellement. Les marchands en gros écrivent
sur ces petits livres particuliers ce qu'ils reçoivent ; c'est une sureté pour le marchand en détail qui ne craint pas d'être trompé, & il peut aussi pour une plus
grande précaution faire écrire par les marchands en gros sur les mêmes petits
livres les parties des marchandises qu'ils lui vendent ; c'est le moyen de voir toujours clair dans ce qu'il fait, puisque par son journal il voit ce qui lui est dû,
& par les petits livres il voit ce qu'il doit à tous les marchands en gros16. » Ce sont
autant d'outils destinés à faciliter le suivi des opérations.
2.	 Des règles rigoureuses et contraignantes
285.  Des règles très précises énumérées par l'ordonnance du commerce de
1673 doivent être suivies pour la tenue des livres comptables17. Afin d'empêcher
les fraudes, des précautions sont prises pour que des ratures, des ajouts, des pages
arrachées ne viennent pas en modifier a posteriori leur teneur et leur sens. Ces
dispositions sont appliquées à tous les commerces même les plus modestes. Encore
fallait-il que les personnes concernées sachent lire, écrire et compter. Ainsi que le
montre l'exemple suivant concernant le livre que devait remplir la veuve d'un
marchand fripier, les prescriptions n'étaient pas seulement formelles mais pouvaient également entrer dans le détail des activités du commerçant. La remise du
livre est en outre empreinte d'une certaine solennité propre à en marquer l'importance. C'est ainsi que le 18 octobre 1766, un livre contenant « quatre-vingt-seize
feuillets cottés et paraphés » est remis par Pierre Vial de Machurin18, commissaire
14. Trévoux, op cit, t  5, p.  577b.  Le liber rationis était déjà utilisé au Moyen âge  :  «  [...] ses
rédacteurs y ajoutent souvent des informations familiales aux informations d'affaires. » in Dictionnaire
du Moyen Âge, C. Gauvard, A. de Libera, M. Zink, dir, Paris, 2004.
15. Acte de société du 1er juin 1765. Baron, Le Roux. Commerce de toiles peintes. Art 13 : « Il ne
pourra être souscrit aucun billet ou engagement pour le compte de la société que payables à Paris en
la maison dudit S. Leroux dont luy sera donné avis aussitôt leur souscription pour par luy les
enregistrer sur un carnet d'échéances que le dit Sieur Le Roux s'oblige de tenir le tout à peine de
nullité. » (AP D3B6 66).
16. Couchot, op cit, Liv II, ch II, p. 48.
17. Ordonnance du commerce de 1673, op cit, tit III, Art  3  : « Les livres des négocians et
marchands, tant en gros qu'en détail, seront signés sur le premier et dernier feuillet, par l'un des
consuls dans les villes où il y a jurisdiction consulaire, et dans les autres, par le maire ou l'un des
échevins, sans frais ni droits, et les feuillets paraphés et cotés par premier et dernier de la main de ceux
qui auront été commis par les consuls ou maire et échevins, dont sera fait mention au premier feuillet »
Art 5 : « Les livres journaux seront écrits d'une même suite, par ordre de date sans aucun blanc, arrêtés
en chaque chapitre et à la fin, et ne sera rien écrit aux marges. »
18. Le nom de ce commissaire est mentionné aux Archives Nationales dans le répertoire des
Archives du Châtelet de Paris, série Y, tome 2, sous la référence Y12581b-12626a ; 1738-1776. Selon
l'Ordonnance du commerce, ce livre aurait dû en principe être délivré par un consul. Une Déclaration
du roi a modifié toutefois cette disposition. Déclaration du Roy donnée à Marly le 10 may 1707  :
« Portant que conformément à l'Ordonnance de mars 1673 tous les registres des banquiers, marchands,
négocians & autres qui doivent faire foi en justice [...] seront cottez & paraphez avant qu'il puisse estre
rien transcrit sur iceux par les officiers créez par édit du mois de novembre 1706 [...] seront tenus de
choisir un d'entre eux chaque mois pour l'exercice de la police avec les conseillers de police créez par
le susdit édit à l'exclusion de tous autres [...] »

978-2-275-08824-2__DOCFILE__4e_couverture.indd 258

16/12/2020 11:58:37
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle
