Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 155 - Les Français de l'étranger comme catégorie politique - 212

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LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER COMME CATÉGORIE POLITIQUE

-étranger peut se concevoir, mais sous réserve de conventions qui, vraisemblablement, peuvent engendrer la réciprocité. On se lance dans des complications
extrêmes.184 » Pour éviter de mener des négociations avec les États étrangers et
d'accorder éventuellement la réciprocité le vote par correspondance est alors proposé. Il a été utilisé en Tunisie pour les élections au Conseil de la République, c'est
donc un précédent sur lequel on peut s'appuyer. Il pourrait être généralisé. Mais
l'exécutif s'oppose aussi à cette solution, l'état des relations avec certains pays, en
particulier le Maroc dont l'indépendance est récente, ne le permettant pas.
Reste une autre voie : faire élire ces sénateurs par l'Assemblée. Elle est proposée par Paul Reynaud, le président de ce Comité, dont la longue carrière politique
sous les IIIe et IVe Républiques, et le soutien apporté à De Gaulle en 1958, ont
joué dans sa nomination à cette fonction. Mais R. Janot s'oppose à nouveau à
cette proposition. Il fait remarquer que « le texte n'empêche pas l'élection, il ne
l'impose pas.185 ». Le président Reynaud considérant que la précision n'est pas
utile, conclut que « la question reste ouverte186 ». Ainsi s'achèvent les échanges.
637. Siégeant dans une instance consultative, les membres du Parlement disposent d'un espace de discussion restreint, sans réels moyens de faire prendre en
compte leur point de vue. La question du suffrage universel, bien qu'il soit parallèlement mis en place par l'exécutif pour le référendum, ainsi que nous l'avons vu,
est écartée sans que les modalités de représentation soient précisées. Mais le débat
va rebondir dans la seconde instance consultée, le Conseil d'État.
Lorsque celui-ci examine le projet de Constitution, il s'est déjà prononcé en
faveur du vote des Français de l'étranger dans leur pays de résidence lors du référendum constitutionnel en raison du caractère exceptionnel de la consultation. Pendant le débat sur la représentation au Parlement, M. Périer de Féral va faire le lien
entre les deux sujets : puisque le vote au référendum est pratiqué hors des frontières,
pourquoi ne pas l'utiliser pour les élections législatives ? Ce conseiller d'État187,
dont la longue carrière a commencé dans les cabinets ministériels sous la IIIe République, a ensuite été nommé au secrétariat général du protectorat chérifien. Une
fonction qui l'a familiarisé avec les positions de la communauté française de ce pays
en matière d'expression politique. Sa question contraint André Gros, conseiller
d'État en service extraordinaire, c'est-à-dire nommé par l'exécutif en raison de ses
compétences, à justifier la différence. Le Gouvernement sait pouvoir compter sur ce
juriste du ministère des Affaires étrangères. Ayant rejoint Londres en 1943, il a été
conseiller juridique au CNF, qui tenait alors lieu de Gouvernement en exil. Il précise la position de l'exécutif : le référendum, bien qu'il soit « une opération administrative, non compromettante pour la souveraineté de l'État sur le territoire duquel
les Français sont appelés à voter188 », soulève déjà des difficultés avec certains États
étrangers. Elles seront amplifiées s'il est demandé à des États étrangers d'autoriser
les Français résidant sur leur territoire à voter en d'autres circonstances.
638. Qualifier le référendum « d'opération administrative », le différenciant
ainsi des autres élections qui sont politiques, peut sembler paradoxal alors qu'il
184. Ibid.
185. Ibid.
186. Ibid.
187. R. Drago, J. Imbert, J. Tulard, 2004, p. 570.
188. Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la
Ve République, 1991, p. 338.

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